Qui a oublié le formidable parcours de « The Artist », couronné de prestigieuses récompenses au Festival de Cannes, aux César, et même les Oscars l'année dernière. Un sacre critique doublé d'un véritable carton public si l'on compte les 133 millions de dollars amassés par le chanceux producteur français Thomas Langmann, épaulé par son comparse américain Harvey Weinstein.
Devant cette moisson de billets verts, il paraissait évident que le cinéma muet allait spéculer des petits. Et c'est du côté de l'Espagne que le premier émule sort dans les salles, intitulé « Blancanieves », ou une relecture du célèbre conte « Blanche-Neige » des frères Grimm.
Réduire « Blancanieves » à une pâle copie de « The Artist » serait désavouer l'époustouflant travail de dépoussiérage du conte effectué par Pablo Berger, ainsi que l'excellent twist pris par ce dernier, en mêlant corrida / récit légendaire de la princesse « Blanche-Neige », pour offrir in finale un spectacle propice à tatouer les mémoires. On a beau connaître l'histoire sur le bout des doigts, le suspense et l'émotion demeurent intactes comme au premier jour.
Bohème et poétique, tendre et mélancolique, gothique et flamenco, « Blancanieves » transpose le célèbre conte dans l'univers de la tauromachie. Les 7 nains et la célèbre princesse forment dès lors une troupe attendrissante de toreros, dont on veut absolument connaître les aventures et auxquels on s'attache sans retenue.
Ceci étant, le film de Berger recèle d'autres merveilles et étrangetés, puisqu'il est aussi question, à travers la thématique de l'enfant-esclave ou l'abord final du baiser échangé entre la dame et son prince, d'un hommage déguisé à certains des autres contes populaires de la fratrie Grimm que sont « Cendrillon », ou « La Belle au bois dormant ».
Avec son « Blancanieves », Pablo Berger, à l'instar de son collègue Européen Michel Hazanavicius, reboot le cinéma muet en proposant une œuvre méticuleuse et ambitieuse. Il balaye un panel gigantesque d'émotions, depuis la délicatesse à la sublime interaction opérant entre les nains et la princesse, tout cela regorgeant d'affects.
Agrémenté d'un travail musical superposable à celui de Ludovic Bource sur « The Artist », signé ici Alfonso Vilallonga, et d'un montage sonore ébouriffant, la version andalouse et muette de « Blanche-Neige » charme et émeut à chaque plan.
Côté casting, si l'égérie des nains est incarnée avec justesse par Macarena Garcia, véritable garçon manqué, c'est surtout Maribel Verdù qui tire son épingle du jeu en interprétant avec brio la sadique belle-mère.
Bilan : « Il était une fois...Un conte splendide au charme vénéneux » peut-on lire sur l'affiche de « Blancanieves », vérifiable et vérifié. Une ode aux grands cinéastes des années 20. Un opéra muet noir & blanc. Un réel chef d'œuvre !