Blanche-Neige en toréador ... il fallait avoir des sacrées « cojones » pour tourner un film pareil! Et en plus lui offrir une forme artistique très travaillée, en noir et blanc sans dialogues! Il s'agit clairement de l'un des films les plus audacieux et originaux que j'ai pu voir récemment. Dans la lignée de « The Artist » et « Tabou », Pablo Berger rend hommage au cinéma muet, jouant sur le noir et blanc, les intertitres, et beaucoup de codes de ce cinéma du passé. Cependant, il serait un peu simpliste de voir seulement là un effet de mode. Car s'il est possible de s'amuser à relever toutes les influences visuelles ou sémantiques qui agissent sur le long-métrage, elles ne sont jamais là gratuitement, et finissent par créer une vraie oeuvre authentique, possédant une vraie unité. Citons quelques exemples de ces références, assumées et digérées par Pablo Berger : Murnau et l'expressionnisme (puissance significative des images, notamment des visages), Todd Browing (les nains renvoient clairement aux Freaks), Alfred Hitchcok (imagerie voyeuriste, notamment via des images de trou de serrure) ou encore Almodóvar (mise en scène décalée autour de pratiques sexuelles, via la belle-mère). Toute une série d'univers, on le voit, à la fois classiques et modernes, que le cinéaste espagnol a réussi à mettre au service de son histoire. Sur le fond, j'ai adoré cette adaptation moderne et espagnole du conte de fée des frères Grimm, d'ailleurs rejoints par d'autres référents de l'univers des contes, comme Cendrillon ou Alice aux pays des merveilles. Placé dans l'Espagne du siècle passé, l'Espagne des corridas et du cirque, Blanche-Neige prend une toute autre signification. Elle devient celle qui parvient à vaincre toutes les formes de prédestination, de préjugés, de symboles d'une société machiste, à travers cette merveilleuse image, tellement osée : Blanche-Neige dans une arène face aux taureaux! Et ce fond travaillé est toujours accompagné de moments légers, ludiques, bien aidés par les personnages burlesques comme les nains. Du sérieux, de la légèreté, et de l'émotion aussi, à travers les belles relations très imagées entre les personnages : Blancanieves et son père, puis avec les nains. Une émotion qui atteint son sommet dans un final très audacieux lui aussi, tout en suggestion. Signalons encore une très belle musique, entre flamenco et partitions orchestrales typiques de films muets. « Blancanieves », c'est donc une façon de réinventer l'imaginaire des contes de fées, et peut être, qui sait, l'imaginaire du cinéma par la même occasion.