C'est une honte terrible que ce film sorte uniquement dans 9 salles sur toute la France. Ayant la chance d'habiter Caen et d'avoir Le Lux à proximité (cinéma d'exception), j'ai pu voir ce film et je plains tous ceux qui en sont privés. Hitoshi Matsumoto livre ici une oeuvre à la fois hilarante et poignante, maîtrisée de bout en bout. Un bijou cinématographique ! Saya Zamurai raconte l'histoire de Kanjuro Nomi, un samouraï sans sabre en fuite depuis plus de 2 ans avec sa fille. Alors qu'il est recherché, il se fait arrêter par un seigneur qui le condamne au seppuku (peine de mort) à moins de réussir à faire sourire le jeune prince, attristé par la mort de sa mère. Chaque matin pendant 30 jours, Nomi se produit donc devant le prince et met en scène un nouveau spectacle pour le faire rire. Un film merveilleux, poétique, drôle, humain et inhabituel qui nous fait passer du rire aux larmes. Dès le début, le film fait rire par l'intermédiaire des 3 chasseurs de primes : O'Ryu la joeuse de shemizen, Pakyun l'homme aux pistolets et Gori-Gori le "chiroprac-tueur". Ces trois personnes entrent en scène de façon très insolite et j'avais un peu l'impression de me retrouver devant un Tarantino ! Le style, la musique, et le montage m'y ont automatiquement fait penser, ce qui m'a permit de penser que le film allait être bon. Alors qu'on pense que Saya Zamurai va traîner en longueur avant que l'histoire qui nous préoccupe n'apparaisse, le scénario nous rassure immédiatement en entrant rapidement dans le coeur de la trame. A partir de là, les personnages insolites et décalés font effet (Gori-Gori est hilarant à ne jamais rien comprendre), le personnage principal ne cesse de nous faire sourire à travers ses petits sketches face au Prince, et c'est paradoxalement tout le drame du film : le personnage fait rire toute la salle de cinéma mais ne parvient jamais à dresser le moindre sourire sur le visage du prince. Au fur et à mesure que les jours passent, le spectateur est de plus en plus attaché au personnage, on réalise tristement que Kanjuro Nomi fait tout ça pour sauver sa vie, mais également sa fille qui le traite de moins que rien. Derrière le "bouffon du roi" apparaît doucement un homme accablé, un samuraï à qui on doit le respect et qui se sent obligé de s'humilier en public pour sauver sa peau. Le visage de l'acteur, Takaaki Nomi, garde désespérement un aspect triste et morose qui ne font qu'augmenter la dimension dramatique du personnage. Tout au long du film, on ne cesse de le soutenir, comme le font d'ailleurs tous les habitants du village (même ceux qui initialement souhaitaient le tuer) en rendent l'histoire à la fois drôle et terrible. Le spectateur est partagé entre le rire et les larmes et j'ai ressenti de multiples émotions incroyables. Certains passages sont d'une tristesse affreuse et le film traite son personnage avec tant de poésie qu'on ne peut qu'être touchés. D'autant que la fin laisse sur le cul et aborde un aspect du personnage principal très touchant : le sens de l'Honneur. Je ne révèlerai pas cette fin, évidemment, mais elle est pleine de suspense et le geste du Seigneur, notamment, est touchant. Outre le casting et les personnages extrêmement réussis, le film se démarque par une BO envoûtante. La plupart des musiques du film ne font que le rendre plus beau encore, certains morceaux pouvant rappeler du Ennio Morricone tandis que d'autres, plus doux, accentuent le tragique de la trame avec profondeur. Le montage du film est également réussi, commençant par faire défiler les 15 premiers jours très rapidement, avec un effet comique de répétition : "le seppuku reste prononcé !", pour ensuite prendre son temps et nous montrer des spectacles de plus en plus élaborés. Nomi se donne énormément de mal pour relever le "défi" et c'est poignant. Bref, c'est un genre de cinéma qu'on n'a pas l'habitude de voir mais Hitoshi Matsumoto démontre avec Saya Zamurai toute la beauté et l'excentricité du cinéma japonais. Pour moi c'est un petit chef d'oeuvre, et je trouve déplorable qu'il ne passe que dans 9 petites salles en France, contrairement à des bouses comme Twilight qui vont remplir leurs 500 salles. Vraiment navrant.