(...) Auteur de scénarios prestigieux (Drive ou Les ailes de la colombe, nominé à l’oscar du meilleur scénario), Hossein Amini décide de franchir le cap et de passer à la réalisation avec ce thriller aux références et aux ambitions hitchcockiennes. Parcourant les thèmes récurrents du grand « maître du suspense », tels que l’interdépendance entre les personnages, les faux semblants, les trahisons, Amini n’oublie pas d’où il vient et prend également ici la casquette de scénariste.
(...) Amini, inspiré par Nicolas Winding Refn, entreprend alors l’adaptation d’un polar Les deux visages de Janvier écrit par Patricia Highsmith.
(...) Concernant la distribution des rôles et la prestation des acteurs, Amini jouant sur l’interdépendance des personnages de son récit, met en valeur le trio Mortensen-Isaac-Dunst, fonctionnant à merveille et dont les jeux sont parfaits de retenue. Nous ne pouvons que souligner la véritable performance de Mortensen qui passe du mari aimant au mari jaloux et prêt à tuer. Il passe d’un registre à l’autre de manière tout à fait remarquable et sait jouer avec nos nerfs. Nous ne savons plus s’il est un protagoniste ou un antagoniste, s’il est bon ou mauvais… Il est regrettable néanmoins que Kirsten Dunst apparaisse si peu à l’écran : elle est en quelque sorte le maillon faible de ce trio, malheureusement sous exploitée, et peine à rivaliser avec le duo d’hommes. Dommage, car elle aurait pu apporter à ce triangle amoureux bien particulier une profondeur toute autre.
Ce qui frappe tout de suite dans ce polar, c’est la mise en scène très proche des polars d’Hitchcock. Le style est retranscrit de bien belle manière non pas par des travellings, mais des plans fixes quasi subjectifs à la Wes Anderson, beaucoup de plans larges, pas ou peu de caméra à l’épaule. Nous sommes dans du classique. Cependant, trop de classique tue le classique. Ainsi, nous nous retrouvons comme prisonnier de l’époque du film, et nous nous perdons dans le classicisme des références bien trop nombreuses.
(...) L‘ambiance générale est vraiment particulière, très proche des polars des années 50 et des thrillers d’Hitchcock. On pourrait la qualifier d’âpre, rude, parfois violente, voire oppressante. C’est comme si le film était entouré d’une brume pâteuse : nous étouffons, c’est une sensation bien étrange, parfois agréable, parfois rude et sèche. Elle peut être due à ce triangle amoureux où l’ambiance est glaçante. Sommes-nous dans la réalité ou dans le rêve? Est ce que tout cela est réel ou irréel? A ce moment là, les personnages sont perdus eux-mêmes dans une vision troublante de leur vie oscillant entre le soleil et la pluie, le bonheur et le malheur, la vie et la mort. Tout ceci retranscrit dans un rythme haletant qui peut soit laisser de marbre, soit subjuguer. Ces personnages perdus dans leurs propres rêves, évoquent l’onirisme de David Lynch, qui dans beaucoup de ses films comme Mulholland drive, installe une ambiance assez étouffante voire malsaine pour le spectateur.
Le scénario quant à lui est bien écrit et rondement mené. Même si Amini réalise le film, il n’en reste pas moins un vrai scénariste et un très bon adaptateur. Nous regretterons cependant, un manque important d’enjeux sur certaines scènes : nous ne ressentons aucune détresse pour les personnages ; le scénario est trop prévisible, car l’hommage prend le pas sur la personnalité singulière de l’intrigue. Cependant, certaines scènes sont dignes d’un grand polar.
Au final, le spectateur sort de la salle ni repu, ni frustré. Avec un scénario bien mené mais prévisible, intriguant parfois, mais inégal, ce thriller sombre aurait mérité une meilleure inspiration, surtout au niveau de sa mise en scène et de son scénario. Toutefois, la prestation des acteurs et certaines scènes dignes de grands polars permettent aux spectateurs de passer un moment agréable.