Le sujet est intéressant car peu connu en Europe où seuls les « F.A.R.C. » (« Forces Armées Révolutionnaires de Colombie ») sont médiatisées. Il y a aussi les A.U.C. (« Autodéfenses Unies de Colombie »), groupe paramilitaire d’extrême droite, fondé en 1997 pour lutter contre les F.A.R.C. (d’obédience communiste).
Le film raconte principalement les conséquences judiciaires de la loi 975 « Justice et paix » votée le 20 juin 2005 et qui prévoit, d’une part, le dépôt des armes par les (32 000) membres de l’A.U.C. et d’autre part, leurs aveux auprès de magistrats qui les poursuivront éventuellement : seule une centaine témoignera et peu d’accusés iront en prison (en 2010 : 2 personnes, reconnues coupables de 2 assassinats et de déplacement de population), soit un taux d’impunité proche de 98 %, d’où le titre du film. L’objectif officiel des A.U.C. (surtout présents dans le nord, dans la région d’Antioquia dont la capitale est Medellín) était de lutter contre les F.A.R.C. ;
en fait, le film montre que leurs exactions [meurtres accompagnés de décapitations et de démembrements (au sens premier) de paysans, déplacements de villageois] visaient à semer la terreur afin que les exploitants des champs de bananes (en relation avec des multinationales comme Chiquita), de coca puissent acquérir des terres et accroitre leurs productions.
En 2007, les juges découvrent que des parlementaires sont liés aux A.U.C. dont Mario Uribe, cousin du président colombien Alvaro Uribe (2002-2010), qui fut auparavant maire de Medellín, sénateur puis gouverneur de la région d’Antioquia… Le processus judiciaire est perturbé par l’extradition de 14 dirigeants des A.U.C. aux Etats-Unis (en raison, seulement, de leur implication dans le trafic de cocaïne). Parmi les inculpés, le commandant H.H. (Hebert Veloza, 3 000 meurtres à son actif avec ses hommes) demeura prolixe et révéla l’influence de nombreux hommes politiques de la classe dirigeante dans l’organisation des A.U.C.
Il fut, malheureusement, lui aussi extradé aux Etats-Unis, le faisant échapper à l’accusation de crime contre l’humanité puisque la Cour Pénale Internationale s’est saisie du dossier. Le documentaire montre la venue des juges Baltasar Garzon (espagnol) et Luis Moreno-Ocampo (argentin, procureur de 2003 à 2012 à la C.P.I.) lors de la découverte d’un charnier.
Le film, bien documenté, est émouvant,
notamment au début, quand une femme se souvient, 12 ans après les faits, de l’assassinat de son jeune frère et à la fin, quand on remet aux familles des tués (au son de la sarabande de Friedrich Haendel !), leurs restes dans un petit cercueil, ce dernier étant trop haut pour pouvoir rentrer dans les niches conçues pour les recevoir.
.