Ron Howard est définitivement un réalisateur à part qui, depuis quelques années, se distingue par un réflexe surprenant, à savoir nous livrer une œuvre lisse, voire creuse, dès qu’il est à la tête d’un blockbuster ("Anges et démons", "Inferno"…) et une petite merveille dès qu’il s’attaque à un sujet moins mainstream (ah "Frost/Nixon" !). Ce n’est pas "Rush" qui viendra déroger à cette règle. Honnêtement, qui pouvait s’attendre à un chef d’œuvre avec cette histoire de rivalité entre pilotes de F1, connue des seuls fans de sports automobiles et, surtout, ultra limitée sur le papier ? C‘était sans compter sur le parti-pris de Ron Howard de présenter son film sous un angle monstrueusement métaphorique en transcendant ce qui n’aurait pu être qu’une simple opposition de style entre les deux héros. Plus que deux caractères, ce sont deux visions, deux modes de vie qui s’affrontent ici avec, d’un côté, l’épicurisme du jouisseur James Hunt (Chris Hemsworth, époustouflant de charisme) et, de l’autre, la rigueur de l’austère Niki Lauda (Daniel Brühl, épatant). Mais l’intelligence du film est de refuser de prendre parti pour l’un ou pour l’autre et, au contraire, de filmer cet antagonisme comme les deux faces d’une même pièce avec, en ligne de mire, la volonté de gagner et, surtout, de se prouver quelque chose à soi-même. Les personnages sont, du reste, dépeints avec une grande subtilité, ce qui les rend merveilleusement attachants
(voir, notamment, la scène où Hunt cogne un journaliste ayant malmené Lauda après son accident)
. Le problème d’une telle écriture est qu’il est difficile, pour les autres personnages, d’exister. Ron Howard ne tente pas de s’affranchir de cet écueil et cantonne, ainsi, les seconds rôles (Olivia Wilde, Alexandra Maria Lara, Pierfrancesco Favino…) à des statuts de faire-valoir au service de ses deux héros… ce qui marche très bien tant le propos du film est fort ! "Rush" ne parle donc pas tant un film sportif qu’un film terriblement humain dans son propos. Et la mise en scène de Ron Howard en fait une œuvre terriblement épique puisqu’il la filme comme une histoire de chevaliers des temps modernes. Il faut dire que, outre son montage ultra serré et ses impressionnantes scènes de courses, "Rush" bénéficie d’une somptueuse BO, concoctée par le boss Hans Zimmer (qui signe là une de ses partitions les plus éblouissantes et, pourtant, une des plus méconnues). La course finale est, à ce titre, un moment d’anthologie ! On en oublierait presque le soin apporté à la reconstitution historique (qui apporte tout son crédit au récit) et le rythme incroyablement prenant insufflé par Ron Howard. "Rush" est, donc, une petite merveille à découvrir et à faire découvrir d’urgence !!!