S’attaquer au monde la Formule 1 est un pari risqué. Avant Ron Howard, d’autres personnes avaient tenté d’exploiter ce milieu très fermé qu’est le sport automobile, sans parvenir à faire quelque chose de vraiment intéressant, à défaut d’être prenant. Bien qu’étant placé dans le contexte du championnat Cart (plus ou moins équivalent à la F1), je pense notamment à Renny Harlin, réalisateur de "Driven" en 2001, avec Sylvester Stallone. Je pense également à Louis-Pascal Couvelaire, avec "Michel Vaillant", adaptation de la bande dessinée en 2003. Je crois que j’ai cité les plus grands flops, tout du moins les plus retentissants. A croire que la course automobile est un sujet très difficile à porter sur le grand écran. Ron Howard a fait une approche différente, puisqu’il s’est intéressé de près à la rivalité ayant opposé l’autrichien Niki Lauda au britannique James Hunt. Car le monde de la Formule 1 réunit de vrais funambules du volant, qui doivent avoir le cœur bien accroché pour dompter les centaines de chevaux chargés de remuer au plus vite et le plus efficacement possible les quelques centaines de kilos. Cela passe évidemment par un énorme égo, et c’est ce qui ressort principalement de "Rush", touchant ainsi un public plus large que les amateurs de F1 dont je fais partie. Car ce n’est pas seulement la course pure et dure qui est mise en avant. On a une vraie psychologie des personnages, une rivalité entre pilotes assez bien détaillée, alors largement couvertes par les innombrables articles de presse. Malgré des raccourcis un peu faciles dans la biographie des deux pilotes (Niki Lauda n’est pas entré directement en F1 au sein de l’écurie BRM comme dit dans le film), on ressent bien le virus de la course et de la compétition (indispensable à ce niveau-là) habitant les deux hommes, et c’est d’ailleurs la seule chose qu’ils ont en commun. Car en dehors de ce virus et de la provocation, ils sont diamétralement opposés : l’un est exubérant, l’autre est rigoureux. Les deux acteurs semblent habités par leur personnage respectif, et on pourra le mesurer à l’entame du générique de fin, là où des images d’archives ont été intégrées. On constatera que bien des efforts ont été consentis sur le maquillage pour la ressemblance physique, mais pas seulement : les attitudes sont là. D’ailleurs Daniel Brühl a pu côtoyer le vrai Niki Lauda pour étudier sa façon de bouger, et de parler. Mais je suis étonné que seule la qualité de metteur au point de génie ait été mise en avant par les scénaristes. Niki Lauda était surtout connu pour sa rapidité et sa grande maîtrise de la course, ce qui lui valut de surnom de "L’ordinateur". Oubliée, c’était quand même une facette importante du personnage. Quant à l’esthétique des scènes de courses, elle est très soignée, et je dirai même mieux filmées que les vraies courses retransmises en direct. Cela permet une meilleure immersion. La scène du crash a été reproduite avec beaucoup de réalisme, se basant sur un bris de suspension alors que la cause de l’accident n’a jamais été réellement identifiée. Quant au temps imparti à l’incendie, il est exact, ou en tout cas très proche : à peine un peu plus d'une minute, qui semble une éternité. Les gros plans sur les pneus, sur les hommes concentrés, sur les yeux inquiets de la météo, sur les risques encourus, mais aussi le son des moteurs V12 rugissant toute leur puissance dès l’accélérateur enfoncé, le manque de visibilité à cause des projections de pluie, font que le tout est plutôt immersif. Je sanctionne juste les raccourcis dont j’ai parlé plus haut, mais je sanctionne aussi le fait qu’on soit passé un peu vite sur l’après accident, sur la gestion de la détermination qui n'aura jamais quitté le pilote à jamais défiguré. Psychologiquement, on ne sait pas trop au moment opportun ce par quoi le pilote passe, et on passe peut-être à côté d’un énorme potentiel émotionnel sur le retour à la compétition du pilote et sur son arrivée à la quatrième place lors du grand prix d’Italie, à bord de sa Ferrari 312 T2. Ce qui a dû être un événement a été sous-exploité. Ne boudons pas notre plaisir, le film est vraiment très bien, mais si vous regardez ce film chez un ami, attention en prenant la route : votre véhicule n’est pas une formule 1…