Après avoir sauvé la maison Disney en proposant des dessins animés extraordinaire ("Toy Story", "Monstres et Cie", "Wall-E"…) à une époque où le studio était en perte de vitesse, Pixar semble connaître, à son tour, une crise d’inspiration. En effet, entre un "Rebelle" bien mais pas transcendant et une multitude de suites ("Cars 2", "Monstres Academy" mais également les futurs "Monde de Dory" et "Indestructibles 2"), on a la désagréable impression que Pixar se repose sur ses lauriers et se refuse à toute innovation (exception faite, bien sûr, du récent "Vice Versa"). Et, malheureusement, "Le Voyage d’Arlo" vient confirmer cette tendance. Certes, la pré-production du film a été un peu houleuse (le réalisateur initial Bob Peterson, ayant été remplacé par Peter Sohn, entraînant un retard de sortie de près d’une année). Mais, il ne s’agit pas de la première production Pixar à connaître ce genre de désagrément et la qualité du film ne s’en est pas ressenti (voir la jurisprudence "Ratatouille"). Et c’est peu dire qu’il n’y a pas grand-chose à sauver dans "Le voyage d’Arlo", qui s’avère être aussi prévisible que déprimant. Le scénario, tout d’abord, réussit l’exploit de flinguer l’idée originale (que serait devenue la Terre si elle n’avait pas été heurtée par la météorite qui a provoqué l’extinction des dinosaures ?) qui n’est jamais vraiment exploitée ou, plutôt, qui ne présente, finalement, pas la moindre intérêt… si ce n’est de renverser le rapport de force habituel entre les animaux et les hommes. En effet, les dinosaures sont, ici, l’espèce dominante et les humains sont représentait comme des animaux errants, à travers le personnage de Spot (une des rares réussites du film). Malheureusement, au lieu de jouer avec ce décalage, pourtant prometteur, l’intrigue préfère reprendre les grosses ficelles habituelles du voyage initiatique, censé transformer Arlo, jeune dinosaure pleurnichard… et franchement pénible (surtout en VF, la voix du jeune Jean-Baptiste Charles étant insupportable !). On retrouve, donc, sans surprise, toutes les scènes habituelles de ce genre de récit,
de la difficile cohabitation qui va peu à peu s’adoucir (mais oui, Arlo et Spot vont devenir potes) aux mauvaises rencontres effrayantes (les ptérodactyles comme charognards franchement flippants, surtout pour des mômes) en passant par l’aide de compagnons inattendus qui vont ouvrir son esprit (les T-Rex), le tout alourdi par une série de drames qui achève de faire d’Arlo un enfant encore plus frappé par le destin, que Cosette et Candy réunies !
Pixar nous avait tellement habitué à jouer avec les codes qu’il est incompréhensible qu’il est pu sa vautrer à ce point dans le conformisme larmoyant ! Et ce n’est pas le parti-pris de traiter cette histoire comme un western qui vient changer la donne (qui a eu cette idée d’ailleurs ?). Avec un tel manque de surprise, on ne s’étonnera pas que le rythme ne soit pas la qualité première du film. Plus étonnant, le design du héros (et de sa famille) qui est à la limite de l’acceptable et fait vraiment artificiel… ce qui m’a encore plus empêché de rentrer dans le film qui, du coup, parait réservé à un très jeune public. Ce n’est pourtant pas le cas au vu de la violence (parfois frontale) de certaines séquences
(on tue des animaux, y compris ceux tout mignons fraîchement sauvés de la noyade, le père meurt dans de conditions terribles…)
qui n’est jamais désamorcée par un peu de légèreté salvatrice ou de souffle épique (comme "Le Roi Lion" en son temps ou encore le récent "Reine des Neiges"). Le Voyage d’Arlo ne peut, enfin, pas non plus compter sur la quelité de son casting vocal, étonnement pauvre à l’exception des quelques valeurs sures, cantonnés ici à des rôles mineurs (Richard Darbois, Boris Rehlinger, Donald Reignoux… voir même Eric Cantona qui est définitivement doué pour l’exercice). Que reste-t-il à sauver, dès lors, de ce dessin animé ? Tout d’abord, aussi prévisible et déprimant soit-il, il reste regardable, ne serait ce qu’en raison des paysages proposés et du personnage de Spot qui apporte beaucoup d’air au film. Et surtout, Pixar se rappelle, par moment, à notre bon souvenir, et nous réserve quelques moments de grâce poétique
(l’envolée des lucioles),
voire d’émotion pure
(l’évocation des deuils respectifs d’Arlo et de Spot expliqué par des bâtons)
. Ces quelques rares moments ne sauve pas Le Voyage d’Arlo mais permette de se dire qu’on n’a pas totalement perdu notre temps. Reste le premier vrai raté de Pixar…