Tenaillé entre l’impression que le duo de cinéaste que sont Benoît Delépine et Gustave Kervern sont en train de se foutre de nous et la sensation de vivre un témoignage de la vie de marginaux en guerre contre la société de consommation attrayant, l’on ne sait quelle position adopté face à ce grand soir qui finit par ne pas exister. A la vue des interprétations formidables de Benoît Poelvoorde et Albert Dupontel, jamais meilleurs qu’en fous, l’on serait tenté d’adhérer au film. En revanche, face à une bande son déplorable, extrait de musique punk crasseuse, d’un empilage de séquences mortes nées et de dialogues souvent atterrants, l’on se sentirais presque invité à quitter notre confortable canapé, j’espère pour le votre, et faire tout autre chose, dormir par exemple.
Oui, il y a dans ce grand soir de superbes qualités, d’interprétation, mais aussi d’indomptables défauts quel seuls peut effacer une solide admiration pour le travail des deux réalisateurs, ce qui n’est pas vraiment mon cas. Oui, une séquence brillante, deux séquences brillantes, seront ou pourront ici être suivies d’autres séquences, elles, complètement illusoire, maladroite et sans fondements. Bref, passé sur la qualité intrinsèque d’un film qui laisse pantois soit par sa naïveté soit par son authenticité, reste un sujet amusant, presque révoltant. Oui, si l’on adhère pas vraiment à mode de vie punk à chien du personnage de Not, d’abord, puis de son frère, l’on reste consterné devant l’ampleur des constructions à seul but de consommation, de dépenses et de capitalisme pour la classe moyenne.
Plus intéressant que le film lui-même, c’est cette répulsion pour cette société de consommation à laquelle nous participons activement qui prédomine. Le lieu, théâtre des opérations, est constitué d’une énorme zone commerciale et artisanale à proximité d’une bourgade française quelconque. Toutes les enseignes y fleurissent, des parkings à pertes de vue, Fast-food, giratoire, un enfilement de construction humaine à la solde de la société de consommation. C’est là que vit l’ami Not, punk déjanté, rejeté et inadapté, couvant dans la rue et qui sera bientôt rejoint par son frère, licencié, mis à mal par notre bonne vieille société. Les deux frangins, hors norme, maladroit et sans gène auront même la malchance de se faire rejeter par leurs parents.
Malgré leur solitude, les deux loustics en viennent à fomenter une révolution à l’image du printemps arabe contre les vendeurs, gérants et commerciaux qui trône sur un empire commerciale tout beau tout neuf. Révolution que je vous laisse découvrir tout en sachant que le grand soir, c’est sa qualité, nous offrira d’excellentes séquences de pétage de plombs, de la part de Dupontel comme de Poelvoorde. Bref, un drôle de film qui divise, inévitablement. De là à ce que le Festival de Cannes lui ouvre ses portes, il y a un précipice. Bref, Delépine et Kervern étant des cinéastes adorés d’une certaines caste élitiste, leurs œuvres souvent foutraques se retrouvent à chaque fois sur le devant de la scène, même si ici c’est l’association de comédiens qui fait le réel buzz du film. Pour les curieux, et seulement pour eux. 09/20