Le sujet du film , un punk et l'ascension de son frère en tant que punk est originale. Il me semble plutôt rare qu'à notre époque , le cinéma traite le sujet des punks sans être trop dans la caricature et l'humour grossier. « Le Grand Soir » parvient à être drôle et juste même si le film présente quelques écarts et le message semble en être un peu troublé.
Le spectateur est embarqué car les personnages sont crédibles et paraissent avoir une épaisseur d'humanité. Le réalisateur parvient à montrer la révolte de "Not" et des autres personnages contre le système avec un humour décalé. Par exemple, « Not » croise sur son chemin, un panneau publicitaire pour des croquettes de chats, il donne plusieurs coups de pieds dedans, et son chien l'imite en donnant des coups de cros. Le personnage de Jean-Pierre joué par Albert Dupontel témoigne d'une ascension vers la tendance punk accompagné d'un écart progressif avec le système. Au début, on le voit discuter argent avec son père, ce qui montre son intérêt principal. Ce personnage reste crédible, il ne tombe jamais dans l'excès malgré une transformation d'un extrème à un autre. Son frère et lui se rejoignent, et forment un duo attachant. « Not » reconsidère son frère lorsque celui-ci est viré, et il l'aide dans sa métamorphose. Il va l'éduquer au mode de vie punk. La scène où « Not » apprends à marcher à Jean-Pierre comme un punk, est drôle. « Not » le corrige, lui donne des indications, lui dit de marcher sans pression, sans savoir où aller, les épaules décontractées. Ce film parvient à faire échapper notre esprit et à nous donner un nouveau souffle. Il y a juste le couple de parents qui semblent un peu trop en décalé l'un avec l'autre. La mère vit dans un autre monde, elle apporte au film d'avantage d'absurdité. Le père qui est bien terre à terre semble le seul avec le Jean-Pierre du début à avoir les pieds sur terre, et à s'occuper de son restaurant. L'interprétation des acteurs donne une crédibilité aux personnages malgré parfois des petites note de discordance.
«Le Grand Soir » manque pourtant de rythme, de vivacité. La zone commerciale est le lieu principal où se joue l'action: le restaurant des parents s'y trouve, le magasin de Jean-Pierre et le lieu de vie de »Not ». Même les lieux d'habitations de l'ex femme de Jean-Pierre est à l'image de ce centre commercial. Ce lieu semble vide, comme une illustration de la crise. Le centre commercial est dans la campagne, même quand les parkings sont remplis, cet espace ne montre pas vraiment de vie, comme si les gens vivent sans vraiment être là. La famille Bonzini contraste avec ce paysage puisqu'ils sont unis malgré quelques scènes de désaccord. Mais les relations dans la famille Bonzini sont traités de façon un peu superficielle et ne sont pas l'objet du film. Les autres protagonistes restent de simples figurants comme lorsque Jean-Pierre et « Not » entrent dans différentes habitations parce que Jean-Pierre ne suit aucune volonté sauf celle d'aller tout droit, les habitants réagissent peu à cette intrusion. Il manque d'interaction entre les deux punks et le monde extérieur. Les personnages sont au final seul dans leurs rébellion. Ils organisent une dévastation du supermarché, mais lors du « grand soir » ils sont que deux. Les réalisateurs montrent donc que c'est à nous maintenant de prendre le relais? Que ce mal-être est bien là mais que nous sommes dans une impasse? Ce film fait du bien car il semble dire merde à tout, même les acteurs Dupontel et Poelvoorde prennent le risque de la métamorphose et on y croit. Mais le film est inégal aussi au niveau esthétique. Les scènes filmées par la caméra de surveillance du supermarché ou du portable du directeur de Jean-Pierre sont intercalé de façon inégales dans le film. Leur durée varie, mais elles sont souvent trop longues. Elles introduisent un point de vue d'autre personnages qui ne jouent pas de rôle dans le film, ils sont là juste à regarder. D'autres scènes comme celle où Dupontel va chez son ex-femme faire son discours, Dupontel est filmé de face dans l'encadrement de la porte tandis que sa femme est filmé dans le miroir. Il semble s'adresser qu'à un simple reflet, comme à l'image du film ?
Le message du film reste pas bien défini. On ne sait pas si les réalisateurs prônent un discours de punk, de révolte contre la société, le monde. Au début, « Not » est seul dans sa rébellion. Puis Jean-Pierre se joint à lui, ensuite leurs parents. Les autres figurants témoignent aussi d'un grand mécontentement (la femme qui charge les courses dans sa voiture, et qui en a marre de la crise, le pendu..). Être punk est-elle alors la seule alternative à la crise ?