En voilà un film qui vaut la peine d'être vu. On est loin des petits films actuels qui font frémir les adolescents, Avengers et autre Prometheus. Ces films sans idées de cinéma. Sans idées tout court. Ces purs produits qui ne visent qu'à te faire consommer et ceci peu importe les qualités que tu peux lui trouver. Aujourd'hui, à côté de ces blockbusters on a ça : Le Grand Soir.
Déjà il ne faut pas se méprendre, on est pas dans une comédie. Je vois déjà les cinéphiles du dimanches dire ce n'est pas drôle. Ben non, ce n'est pas très drôle. C'est bien plus que drôle. On est au delà de la simple comédie. Qu'on n'ose plus dire non plus qu'en France on a que des comédies pourries. Qu'on ose pas dire que le cinéma français est mauvais. Personne aux USA ne peut te sortir ce film là. Il faut être honnête.
Et là c'est un film des mecs du Groland, donc qu'on ne vienne pas me sortir le cliché du film français, d'auteur, où on filme des trucs chiants ou je ne sais pas quoi (ce qui est un cliché répandu uniquement chez les incultes, comme chacun sait).
Non là on a du vrai cinéma.
Alors certes, j'adore ma préférence à Mammuth, je le dis tout de suite. Mais malgré tout, ça vaut largement, mais largement le coup d'être vu.
Parce que c'est un régal, tout simplement. C'est un film beau, parfois drôle, souvent triste. Au début les deux cinéastes remercient Pialat, et en effet, ils peuvent. C'est un peu comme passe ton bac d'abord, des scènes de vie, de perdition de vieux jeunes paumés.
Mais là où on se différencie de Pialat c'est que c'est un film profondément absurde. J'aime ce film parce qu'il ose des choses. Le film commence on a Dupontel et Poelvoorde qui causent à leur père en même temps, sans s'écouter et le père en a rien à foutre. Et cette scène dure, dure, dure ! C'est ça qui est génial, les réalisateurs laissent les scènes durer jusqu'à l'absurdité la plus totale. Alors on pourra dire que cette scène est l'une des plus faible du film, parce qu'elle est dans la symbolique, peut-être, mais pourtant cette scène a un potentiel absurde complètement génial.
Le film est parfois un peu inégal, certaines scènes auraient justement mérités d'être plus longue, comme la scène du "ça va", j'attendais un truc qui dure bien 5-6 minutes ou la scène de Dupontel au téléphone, on sait tous ce qui va se passer, du coup il aurait fallu aller encore plus loin, car du coup elle est un peu trop classique.
Mais ce qui est beau dans ce film c'est les scènes de folies, les scènes où ces êtres sont filmés sans stigmatisation entrain de faire les crétins, d'emmerder les gens et petit à petit tout se met en place, parce que c'est l'homme ordinaire, craintif et méprisant, le couard qui se cache en chacun de nous qui devient pathétique, ridicule à craindre de perdre sa petite place bien rangée, bien aux normes. Il faut de la liberté, de la vie.
J'aime comment les deux réalisateurs arrivent à nous mettre en empathie avec ces gens qu'on mépriserait dans la vraie vie. Même à l'époque où je me baladais en treillis et rango il y avait toujours un vieux punk dans les concerts, le type dont on se demande pourquoi il n'a pas grandi, et c'est un peu l'histoire de ces types, ces gens qui n'ont pas grandi et qui sont restés dans cette idée de la contestation qu'on a de 15 à 20 ans.
C'est un film profond, mais qui se garde bien de le montrer. Il dit des choses sur la vie, la liberté, l'amour, la solitude, l'âge adulte, les parents, les enfants, la famille, mais ce n'est pas explicite et certainement pas explicité, ce qui donne vraiment l'impression en voyant ce film de tenir un diamant brut entre ces mains, il n'est pas taillé aux normes, il n'est pas poli, mais qu'est ce qu'il est beau, et qu'est ce qu'il a de la valeur.
Le film parvient à être fondamentalement touchant, je pense à la scène où Poelvoorde parle dans le micro et conclu par "on est tous des punks à chien". Je trouve ça terrible triste, mais aussi terriblement vrai.
Le problème c'est que ce film n'est pas aimable, il nous renvoie une image qu'on ne veut pas voir, bien que pour beaucoup on en ait conscience, et pourtant il est là ce film.
C'est, je pense, une invitation à être libre, encore et toujours. Pas forcément à devenir un punk à chien, mais juste à être libre. Ne pas vivre dans son supermarché, pour son travail, mais juste vivre. Sortir de sa zone de confort pour vivre.
Et le film se paye le luxe d'avoir une mise en scène intéressante, longs plans fixes, utilisation du hors champ.
Que peut-on demander de plus d'un film qui est à la fois intelligent, beau, triste, émouvant, drôle et bien foutu ?