L’efficacité et l’intransigeance des forces de l’ordre sont-elles préjudiciables aux travaux des agences de renseignement à l’heure de la guerre face au terrorisme? Le célèbre romancier britannique, John Le Carré amène une troublante mais captivante réponse à cette question. Un homme très recherché, adaptation signée Anton Corbijn, cinéaste néerlandais derrière Control ou encore The American, est une agréable surprise à l’heure des grosses productions souvent désuètes et plus encore irréalistes. Plaçant ses pions dans le centre névralgique du commerce européen, Hambourg et son gigantesque port industriel, Le Carré et le scénariste à la barre de cette adaptation ont cernés une problématique évidente, celle du transit des fonds et des terroristes potentiels à travers l’occident. Services secrets allemands et américains se disputent là les honneurs de dissoudre des cellules, de recruter des informateurs, de planifier des infiltrations, en dépit des considérations bien plus drastiques et force de sécurité.
Le cœur même du récit n’est autre que le personnage de Philip Seymour Hoffman, dont voici l’une des toutes dernières apparitions à l’écran. Le bonhomme, les traits tirés, le teint blafard, prémonitoire peut-être de sa fin imminente, incarne l’agent secret qu’on ne remarque pas, l’archétype de l’espion selon John Le Carré, référence au célèbre George Smiley. Le gars travail en sous-marin, prenant sur lui tous risques, toutes les responsabilités des investigations hasardeuses qui entreprend pour rendre le monde plus sûr, comme il le dit lui-même. L’arrivée dans la ville allemande d’un potentiel poseur de bombe tchétchène déchaîne les passions, mais notre homme voit dans cette apparition l’opportunité de viser plus haut. Intelligemment écrit, le contraire aurait été surprenant, le film prend la forme d’une toile qui se tisse lentement mais sûrement. Mais supportera-t-elle l’acte final, diablement efficace?
En dépit de mon admiration pour la sobriété des écrits de Le Carré, je n’étais pas convaincu, au préalable, des qualités d’Anton Corbijn pour la mise en scène d’un tel film. A tort. Le cinéaste parvient à subtilement à faire monter la pression, tout en réalisme et en composant avec les apparitions sublimes de son acteurs principal. Philip Seymour Hoffman, que l’on ne cessera sans doute pas de regretter de sitôt, marque le métrage de sa présence glaçante, personnage trop intelligent dans un monde d’honneur, de loi et d’ordre. Personne ne veut répéter les erreurs passées, personne n’entend prendre de risque à l’heure à cette méthode permettrait des résultats bien meilleurs. Seuls les marginaux semblent avoir choisi la voie de la subtilité. C’est toute l’histoire d’un homme très recherché, titre il est vrai un peu réducteur.
En ce qui me concerne, voilà longtemps qu’un film d’espionnage ne m’aura aussi bien convenu. Enfin, je mens un peu puisque La Taupe, signée du même auteur, m’avait aussi subjugué. Passionnant, oppressant, subtil, un homme très recherché un thriller d’espionnage parfaitement maîtrisé, un très beau métrage sur ces personnes de l’ombre qui mène leur combat dans l’ombre, à l’abri des regards. Ce film, visionné en ce début d’année 2015 s’inscrit également dans une douloureuse actualité, ce qui n’enlève rien à son attrait. Brillant, tout simplement brillant, en dépit des médisants qui ne voient là qu’un motif à piquer un roupillon devant un film qu’ils ne veulent pas comprendre, du moins essayer. Notons au final que Rachel McAdams, aussi belle que douée, signe là l’un de ses meilleures apparitions depuis des années. Il en est presque de même de la part de Willem Dafoe. 17/20