Autant le dire tout de suite: je déteste les films d'espionnage. Parce que je n'y comprends rien, rien de rien. Où est le bon, où est le mauvais, où est le traitre, où est l'agent double? Je suis toujours comme dans Volte face, vous savez, quand le méchant s'était fait la tête du gentil..... et vice versa. Et surtout quand le dit film d'espionnage est tiré d'un livre de John Le Carré, alors là c'est total débâcle. Mon esprit est trop simpliste, pas assez tortueux....
Alléluia! J'ai adoré Un homme très recherché d'Anton Corbijn, et même, j'ai tout compris! Il est vrai que l'histoire ne se déroule plus dans cette foutue guerre froide, mais dans un passé beaucoup plus récent, à Hambourg, d'où était parti Mohammed Atta, le responsable d'un des attentats du septembre.
Le pivot, c'est Issa (Grigoriy Dobrygin). Un garçon mal dans sa peau, né des relations d'un richissime russe et d'une gamine tchetchene, morte en couche. Le richissime Karpov lègue sa fortune à son fils -à récupérer dans une banque de Hambourg. Issa a adopté avec excès la foi de sa mère, ce qui lui a valu d'être arrêté et torturé en Russie, et quand il débarque en Allemagne, il est immédiatement suspect. Pour les allemands, pour la CIA, et pour Günther Bachmann, ancien agent du MI6. Un des derniers rôles de Philip Seymour Hoffman, immense comme d'habitude, et c'est, vous vous en doutez, ce qui m'a poussé à courir dans la salle obscure....
Les proches d'Issa se trouvent embarqués là dedans, plutôt contre leur gré. Son avocate tout d'abord, Annabel (Rachel McAdams), une petite bourgeoise en rupture avec son milieu, ce qui l'a conduite à s'intéresser aux extrémistes islamiques, et le banquier Thomas (Willem Dafoe), dont l'établissement pas forcément très catholique a pas mal fricoté avec les oligarques russes. Vous le voyez, des personnages intéressants, pas manichéens comme souvent dans ce genre d'histoires. Mais en fait, ce que Günther cherche, derrière Issa, c'est à coincer le bon docteur Abdullah (Homayoun Ershadi). Ce saint homme, responsable de nombreuses ONG musulmanes, grand pourvoyeur en discours humanistes -il se pourrait bien qu'une bonne partie des fonds humanitaires soient détournés pour alimenter des caisses terroristes.
Günther a des principes. Pour lui, un terroriste retourné et contrôlé vaut mieux qu'un terroriste mort. Son but, c'est que le monde soit plus sûr -pas de faire des cartons. Ce n'est pas l'optique des allemands et des américains. En particulier de la représentante de la CIA. Robin Wright semble s'être désormais coulée dans ce moule de la femme élégante à cheveux ultra-courts, impitoyable et plus fausse qu'un jeton (vous avez reconnu le rôle qu'elle tient dans House of Cards...
Le rideau est tiré, la pièce peut commencer: vous voyez, tout est clair. Vous pouvez entrer, même si vous pigez rien aux espions! Magnifiquement interprété (vous verrez même passer le gentil fils Daniel Brühl dans un second rôle...), ce film vous tiendra en haleine, moi je l'ai trouvé passionnant. La finesse, la subtilité, la justesse de Seymour Hoffman dans ce qui restera sans doute une de ses meilleures interprétations (la moins cabotine en tous cas!) portent le film, même si on peut regretter que la mise en scène soit totalement dépourvue d'inventivité. A voir -pour tous....