« Daddy Cool » n’est pas un film sur la bipolarité, la maladie y est omniprésente mais elle n’est pas montrée à l’écran dans toute son ampleur, toute sa complexité. Elle sert plutôt de toile de fond, presque de prétexte à un film sur la famille et l’amour d’un père maladroit pour ses deux filles. A vrai dire, cette famille transpire l’amour dans chaque plan, que ce soit entre les filles et leur père ou entre Cameron et Maggie. On se dit que leur vie serait simple et parfaite sans cette maladie qui complique tout, mais évidemment il n’y aurait pas de quoi en faire un film de 90mn ! Le scénario de « Daddy Cool » est étonnement efficace et ça dés les premières images. Immédiatement on s’attache à ce drôle de type qui doit composer avec sa folie et ses humeurs changeantes. La réalisatrice Maya Forbes évite soigneusement tout le pathos qui aurait du résulter d’un personnage si borderline, et préfère s’attacher à l’humour et à la tendresse des situations dans lesquelles Cameron se plonge et entraine ses filles. Assez court, le film d’1h30 passe si vite qu’on voit arriver le générique de fin avec une certaine déception. Il y a des moments drôles, on sourit beaucoup mais c’est un humour léger, on n’est pas dans une comédie pure mais dans quelque chose de beaucoup plus nuancé, de plus doux-amer. Les difficultés financières, la lutte de Cameron pour rester à flot pour ses deux filles, le courage exemplaire de Maggie et le sacrifice inouï qu’elle accepte, elle aussi par amour, sont toujours là pour nuancer le rire, pour lui donner une couleur particulière. Le casting de « Daddy Cool » est pour beaucoup dans la réussite du film : la très belle Zoé Saldana est épatante en mère courageuse. Les filles aussi sont toujours hyper-justes, et ce n’est pas forcément évident pour des enfants, il faut qu’elles soient bien dirigées. La grande Imogène Wolodarsky et la petite Ashley Aufderheid, dans deux registres un peu différents (la grande est plus dans l’émotion, du fait de sa place d’ainée, alors que la petite est plus pétillante), sont adorables et hyper attachantes. Et puis voilà, voilà enfin Mark Ruffalo dans un vrai premier rôle à sa mesure ! Cet acteur, j’ai déjà eu l’occasion de dire et d’écrire combien je le trouvais excellent dans les seconds rôles qu’on lui confiait (« Shutter Island » « Insaisissable » ou « Zodiac » par exemple) mais il ne s’agissait que de seconds rôles. Là, il donne toute la mesure de son talent, de son potentiel comique rarement exploité jusque là, et je classe sa performance dans « Daddy Cool » dans les plus belle réussites de sa carrière : je suis contente qu’on lui ai offert ce rôle un peu différent de ce qu’il a fait jusque là (on est vachement loin d’ « In the Cut » !), et je suis très heureuse de voir ce qu’il en a fait. Maya Forbes lui a offert un rôle difficile mais gratifiant : il est de chaque scène, presque de chaque plan et même dans ce genre de rôle, son charisme et même son charme sont évidents ! La bande originale est intéressante mais elle ne fait pas trop 70’s, la musique est bien choisie et bien utilisée. La reconstitution de la fin des années 70 n’est pas tape à l’œil, Maya Forbes n’est fait pas trop là non plus sur ce point. Si on ne savait pas que l’action se déroule en 1978, on pourrait à peine le deviner. En fait, c’est surement parce que son propos est d’une simplicité totale : comment la famille et l’amour paternel peut aider à guérir et à donner un équilibre. C’est un propos tout simple, universel et intemporel. Si on devait chercher des petits défauts à « Daddy Cool », on pourrait regretter qu’il soit un peu court mais aussi que le scénario élude un peu la complexité de la maladie pour ne retenir au final qu’un message simple et positif. Ca rend le film plus doux, moins lourd mais un tout petit peu simpliste. Les phases de dépressions sont éludées assez vite, et pourtant chez un bipolaire qui se soigne mal elles sont inévitables. En 1978 comme en 2015, une mère pourrait elle laisser son mari maniaco-dépressif avec ses deux filles sans savoir s’il suit bien son traitement, s’il ne va pas disparaitre pendant des jours en laissant les filles livrées à leur sort, si sa forte consommation de bière ne va pas briser son fragile équilibre ? Le plus honnêtement du monde je n’en suis pas certaine…