On pouvait considérer, avec First Class, que la boucle était bouclée, qu'on connaissait tout de l'histoire des X-Men, son début comme sa fin. Très intelligemment, c'est donc en forme de réalité parallèle que Singer développe le récit de Days of Fututre Past, étendant encore avec une grande cohérence toutes les applications de l'univers. Sans peut-être même s'en rendre compte, ce voyage dans l'espace-temps s'offre une portée presque cosmogonique, parle aussi de l'Histoire humaine comme un grand champ de possibles et recentre l'importance sur la réalité, qui en devient exceptionnelle, et la responsabilité de la construire qui nous incombe s'en trouve sérieusement renforcée. Tout cela est peut-être donner un peu trop d'importance à un blockbuster qui n'aspire pas à tant raconter, mais c'est néanmoins l'impression que m'a par séquences donné l'ensemble et je me devais de le signaler. En tout cas dans ses thématiques, cette fois-ci donc totalement relancées par le parti-pris de ce voyage qui abolit les limites temporelles pour souligner les limites humaines, Days of Future Past réussit le tour de force de ne pas lasser en proposant dans les grandes lignes un message politique humaniste assez inchangé. Certes, cela ne peut forcément pas aller plus loin que ne le permettent les limites du genre, mais le traitement humain retrouvé en même temps que Brian Singer redonne une profondeur appréciable à la saga, fibre plus immersive déjà réintroduite dans First Class que Singer avait supervisé, même sans le réaliser. Après, les limites du film sont à mes yeux, comme pour la trilogie originelle, d'ordre visuel. J'ai toujours du mal avec le traitement premier degré choisi par Singer, qui croit à fond qu'une proximité avec les comics et une sincérité un peu naïve seront à coup sûr gage d'une impression de conviction suffisante. C'est un peu vite oublier qu'il est difficile de suivre totalement le parti pris dans ces conditions, et que si on ne partage pas inconditionnellement la croyance du réalisateur en la capacité de son matériau à faire oublier sa nature (science-)fictionnelle donc pas directement exploitable, on peut se sentir légèrement ostracisé. Le problème vient aussi de la pauvreté de certains fx (les Sentinelles sont quand même limites, non ?) qui rappelle trop l'ère du tout numérique et la fin de la nécessité pour un film de contourner les limites technologiques (aujourd'hui disparues) en faisant preuve d'inventivité. Certaines idées de mise en scène sont même un peu grossières, même si d'autres dégagent une appréciable car plutôt inattendue impression de poésie. Sinon, Patrick Stewart et Ian McKellen sont fatigués comme il le faut, tandis que le nouveau duo Fassbender-McAvoy impressionne de charisme et de compatibilité. Si les nouveau mutants (Ellen Page, beaucoup trop lisse, ou Omar Sy, inutilisé) sont inutiles et certains anciens (Tornade, par exemple) paraissent sortis de nulle part, en fantômes, Jennifer Lawrence, quant à elle, s'est définitivement approprié le rôle d'une Mystique cette fois au centre de l'intrigue. Jackman, quant à lui, est un Wolverine plus badass que jamais (et cela sans presque bénéficier de scènes où faire exploser la force animale de son personnage) mais qui a surtout sur ses épaules la responsabilité du voyage temporel, que ce soit vis à vis du récit mais aussi comme voie d'entrée pour toutes les idées véhiculées en filigrane par le long-métrage. Un casting globalement très satisfaisant, dont les private jokes fonctionnent très souvent. Bref, un divertissement efficace, mâtiné d'une profondeur qui m'a étonné, même si je trouve la mise en boîte loin d'être parfaite. Il n'empêche que X-Men est la saga Marvel la plus intéressante, loin devant la trop souvent abrutissante lignée des Avengers.