A l'intérieur de Llewyn Davis, c'est tout l'imaginaire de la chanson folk américaine qui est revisitée. Un réalisateur classique aurait alors fait un biopic conventionnel d'un chanteur un peu reconnu, Bob Dylan ou autre, pour rendre hommage à cette musique. Oui, mais on est chez les frères Coen, qui prennent le contre-pied de ce schéma facile : Llewyn Davis est un chanteur de fiction, et surtout, un looser. Inside Llewyn Davis devient alors une tragicomédie musicale, un hommage audacieux à l'insuccès, aux chanteurs talentueux mais impopulaires, que tout le monde a oublié aujourd'hui. Une sorte de parent musical au "Ed Wood" de Tim Burton, dans un certain sens. C'est peut être aussi une façon de subvertir l'habituelle nostalgie accordée aux années passées et idéalisées, comme pour dire : vous rêvez aux années 60, au passé, mais à ce moment-là aussi, il y avait de la musique commerciale, des producteurs mercantiles, voire un public incompréhensif. Et surtout, c'est l'occasion pour nous de retrouver un looser magnifique, comme seuls les Coen arrivent à nous en offrir. Un chanteur vagabond et maladroit, un anti-Ulysse (nom du chat, peut être alter ego du héros) qui veut quitter les navires pour être chanteur, et qui entreprend une anti-Odyssée sans jamais avoir un chez-soi, une Ithaque. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, et réservent de nombreuses scènes savoureuses : le chat, la vieille asiatique, le drogué joué par John Goodman, la chanson "Please Mister Kennedy" et bien d'autres.. Il faudrait aussi parler de la grande qualité visuelle du film, des lumières, des couleurs, par exemple lors des scènes d'autoroute et de neige. Tous ces ingrédients qui font d'Inside Llewyn Davis un film totalement Coenien, drôle et émouvant, peuplé de personnages inoubliables. Heureux les frères Coens qui n'ont besoin que d'un looser, une guitare et un chat pour réussir une Odyssée!