« Holy Motors » a cette qualité : il ne laisse pas indifférent. D’aucuns disent que l’histoire en elle-même n’est pas importante, c’est un film sensoriel aux images d’une force incroyable ; à considérer ce film comme une œuvre d’art. En soi, ce n’est pas faux, et c’est même bien vu. Est-ce que ladite force des images ne serait pas prétexte à excuser une histoire incohérente ? Après tout, si ce film est considéré comme œuvre d’art, dans ce cas, sa force sensorielle suffit. Et inconsciemment, ça raconte une histoire, peu importe ce qu’elle raconte, car on est dans le domaine de l’irrationnel. Quand on est imprerssionné par une œuvre d’art, cela signifie qu’elle touche à nos sentiments, qu’il y a comme une résonnance et chacun s’approprie l’histoire car l’émotion qu’elle suscite est de l’ordre de l’intime. Cela dit, quand un film ne plaît pas, ne lit-on pas qu’il n’y a pas d’histoire, que l’histoire tient à peine sur un timbre-poste etc... Pas d’histoire, pas de film. Est-on vraiment objectif avec Leos Carax ? La force des images ? M’ouais. Je n’ai nullement été impressionné. Par contre, j’ai pris ce film comme un film à scketch. Puisque tout le monde se cache derrière la très pratique œuvre d’art, je ne vois pas pourquoi ma critique serait plus tartignolle qu’une autre. Ce film pourtant ne devrait pas être sujet à plusieurs interprétations, car ma foi, il raconte une histoire. L’histoire d’un type qui raconte ou vit plusieurs vies dans une journée. Leos Carax y ajoute une dimension philosophique : le moteur. Le fameux moteur de la caméra qui permet de dérouler la bobine, le moteur de la voiture qui ronronne et qui permet de se déplacer d’un point à un autre, le moteur des machines qui permet peut-être de se sentir vivant en raison du bruit qu’il fait. Leos Carax aurait tourné à contre-cœur avec une caméra numérique, autant dire, une caméra silencieuse. Les limousines ne s’interrogent-elles pas sur leur fin de carrière ? Oui, ce film est sujet à interprétation, à rêverie. Oui, ce film peut être considéré comme une œuvre d’art mais de là à dire que c’est DU VRAI CINEMA, je m’insurge un petit peu. C’est du cinéma. Un cinéma personnel, une vision d’un cinéma, un autre cinéma, une autre proposition de cinéma mais ça reste du cinéma. Il est tout aussi respectable qu’un « Dark Knight », qu’un « Sucker Punch », qu’un « Cloud Atlas ». Car là encore, est-on objectif ? Non. Je me suis enthousiasmé pour « Cloud Atlas » car l’histoire qu’on m’a raconté m’a ému. « Holy Motors » ne m’a pas ému, mais par moments, il m’a tenu en haleine comme monsieur Merde qui arpente un cimetierre en bouffant toutes les fleurs sur son passage et tombant sous le charme glamour d’une Eva Mendes ; je suis resté attentif quand Monsieur Oscar a dansé avec des capteurs avec une contorsionniste pour illustrer une copulation entre deux monstres sortis d’un héroïc fantasy ; j’ai été intrigué quand monsieur Oscar se fait tuer par son double... Et c’est tout. Il y a des vies qu’il a jouées dont je me moque comme dans la vie, comme un film dont l’histoire s’étirerait sur une heure trente ! Oui, « Holy Motors » est un film à segments qui se relient et je n’ai pas tardé à saisir l’histoire au bout de deux segments. En effet, je me moquais de savoir où il voulait vraiment en venir, en effet, je me suis laissé embarquer dans cette limousine-loge de théâtre où par moments, la journée de monsieur Oscar m’a paru interminable où par moments, j’ai apprécié quelques séquences. Plus haut, j’ai évoqué « Sucker Punch », j’avais reproché au film de se répéter, ici, aussi, ça se répète. D’où cette lassitude par moments. Au lieu de parler de la force des images, je parlerais de force des petites histoires. Enfin, il est vrai, que l’histoire, parfois, on peut ne pas la comprendre, ou s’en passer si les images proposées sont une claque. Je pense à Peter Greenaway ; sa réalisation était léchée, ses films étaient des tableaux animés, « The baby of Macon », « Meurtre dans un jardin anglais » par exemple, dignes des plus grands peintres de la Renaissance. Voilà un réalisateur dont je ne comprenais pas toujours ses films, mais en effet, la force de ses images, sa réalisation presque hors-norme me séduisait tout en m’intriguant. Oui, ce sont aussi des films sensoriels, des œuvres d’art, à la frontière de l’expérimental. C’est aussi du cinéma. Pour finir, je dois rendre hommage à Denis Lavant, formidable comme toujours, il est le prolongement de la pensée de Leos Carax, car grâce à son interprétation, on croit à « Holy Motors » et mention spéciale à Edith Scob, élégante et méconnaissable. Cela aussi, on le doit à Leos Carax ; il est de ces metteurs en scène qui savent transformer ou sortir des acteurs de leur confort de jeu. Par contre, je ne me suis pas pâmé devant Kylie Minogue ; sa scène a failli me plonger dans un sommeil qui aurait pu être irréversible. Rien d’exceptionnel. Ce n’est pas sa faute. Voilà pourquoi, je ne me suis pas extasié pour ce film aux segments inégaux. Par contre, quand je dis qu’il ne laisse pas indifférent, je le prouve avec ces quelques lignes ! Ouf...