Que dire de « Holy motors » ? Que penser de cet ovni qu’est « Holy Motors » ? Je l’ai découvert en pensant détester ce cinéma d’auteur prétentieux et complexe, se plaisant à paraître plus intelligent que son spectateur. Pourtant, j’ai adoré certains aspects du film de Carax. J’ai adoré ces passages oniriques qui posent question, tout en détestant leur longueur et leur complexité. Qui a dit que le cinéma se devait d’être un art simple et accessible ? Surement pas Leos Carax en tout cas ! Lui prend à contre-pied les attentes du spectateur lambda pour lui retourner l’esprit dans tous les sens. Il illustre de la meilleure façon sa fascination pour l’imposture. Déjà, si on commence « Holy motors » sans avoir lu son synopsis officiel, on est perdu. Il faut savoir avant de commencer que Mr. Oscar est une sorte d’acteur, ou pas d’ailleurs, qui va interpréter onze rôles différents durant une bonne partie de sa journée et de sa soirée. En tant que spectateur, on est le témoin incrédule de son étrange manège. Qui est cet homme qui ne se suffit pas à lui-même, et qui éprouve donc le besoin d’être multiple ? Est-il le banquier qui part travailler au début du film, l’homme qui se maquille calmement au fond de la limousine ou celui qui part rejoindre sa famille simiesque en conclusion ? Qui sont ses clients ? Pour qui joue-t-il ? Il n’y a aucune caméra, aucun commanditaire apparent pour chacune de ses performances. Joue-t-il ces différents rôles pour assouvir ses propres envies ou est-ce pour une volonté plus grande encore ? Cet énigmatique personnage joue la vie, tout en étant possédé par chacun de ses rôles. Que le mystère reste entier est une bonne chose. N’importe quelle tentative d’explication serait tombée à plat après l’enchaînement de situations rencontrées. Lorsque l’on pense avoir commencé à cerner le personnage et ses motivations, arrivent de nouveaux éléments qui sèment encore une fois le doute. Quand Mr. Oscar tue des individus ayant son propre visage, quand il survit à une blessure mortelle, qu’il raccompagne sa fille, qu’on apprend qu’il a eu un unique enfant qui est décédé, qu’on se rend compte qu’il n’est pas le seul à avoir cet étrange passe-temps... Tant d’interrogations qui demeurent sans réponses. Les différentes scènes ont toutes une ambiance unique -renforcée par la variété des compositions musicales et les variations de la photographie- en empruntant à divers genres cinématographiques. Les segments du film sont tous étonnants. Selon la sensibilité du spectateur, certains se démarquent. J’ai pour ma part apprécié le retour de Mr. Merde après son apparition dans « Tokyo ! ». Un moment drôle, dérangeant, où Denis Lavant démontre l’étendue de son talent. J’ai également apprécié le passage avec Kylie Minogue poussant la chansonnette, un moment faisant une fois de plus douter. Est-ce encore un rôle ou est-ce vraiment de leur passé que les protagonistes parlent ? De la même façon, le moment où il effectue des performances en motion capture avec sa partenaire est visuellement incroyable, mais tire trop en longueur. L’extravagance de ces scènes contraste avec la banalité de certaines autres. Une banalité qui renforce l’impression que Mr. Oscar est usé par ce métier éreintant, qu’il exerce depuis un certain temps déjà. Je pense aux scènes où il raccompagne sa prétendue fille, où il s’entretien avec Cécile et l’homme à la tâche de vin, où il livre des performances plus proches de notre quotidien en fait. « Holy motors » ne plaira pas à tout le monde, c’est sûr. Illustration de l’inaccessibilité du cinéma d’auteur contemporain, réflexion sur l’acteur, sur l’envie de l’homme de ne pas être qu’un, le film de Leos Carax n’en est pas moins fascinant dans son approche, dans le mystère sur lequel il joue. Je pensais que mettre des mots sur ce que j’avais ressenti m’aiderait à noter cette œuvre atypique. C’est le contraire. Plus que savoir si on a aimé le film, la question serait plutôt : ai-je aimé ne rien comprendre ?