Il faut suivre ce film avec une thématique dans la tête, c'est-à-dire que le spectateur doit fournir un chemin, un effort pour donner de l'unicité et du symbole. Ma question que j'avais en tête était non pas "Qu'est-ce qu'un artiste ?" ou "Qu'est-ce que le cinéma" mais... "Qu'est-ce qu'un monstre ?". Pour moi, l'artiste est un tyran, un fabricateur d'amour pervers, de culpabilité et de la peur.
L'"on" dit que Carax est hermétique. L'"on dit qu'il traite la question du public de manière expéditive. Je pense au contraire que Carax tire son avantage de se méfier du public. En effet, on est artiste entre autre pour être vu mais aussi pour échapper à la condition aliénante de l'artiste. Cette aliénation est de séduire mais sans complaire son interlocuteur visuel dans l'orientation de son propre travail. Je trouve pour le coup le regard de Carax pudique tandis que d'autres y verront snobisme : il n'a pas la prétention de parler à la place du public mais il ne s'y risque pas.
Une position centraliste mais suffisamment motrice pour pondre une limousine qui est un instrument d'unicité mais aussi un symbole sur l'art : c'est beau mais c'est "chiant, pas pratique, pas adapté, tapageur, arrogant" mais c'est beau.
Faire fi de ce jugement,
laisser au spectateur ce qui est au spectateur,
écarter l'audience autant que possible dans son orientation artistique, me plaît énormément car, quel que soit mon jugement, cela ne remet pas en cause, pour Carax, sa condition d'artiste-savant. Carax met tout en oeuvre ici pour séduire et le film ne t'a pas botté l'arrière-train : à mon avis, ce ne peut être que bon signe paradoxalement !
Oui, Carax se débarrasse de l'influence de ce public qui réagit à chaque fois comme un enfant abandonnique...
Même au prix qui revient à écarter la critique : dur prix à payer mais aussi - peut-être - le contre-coup de ce qui s'est produit avec Pola X.
C'est attaquable, en effet.
Mais bon, le film a plutôt été bien reçu ; "on" a même cru à un prix. Donc si la critique est plutôt bonne, ça ne pose aucun problème et cela passe sous le tapis.
Quand je suis sorti du film, je me suis sentis comme à la sortie des chefs d'oeuvre : très critique mais étonnement bouleversé, impacté. Puis j'ai vu qu'on était tous le monstre de quelqu'un, là, dans la rue. C'est bien, c'est tout ce qu'on demande à un film et qu'il soit savant semble nettement un avantage.