"Holy Motors" est une expérience cinématographique à ne pas manquer, tant Leos Carax éclate les codes pour offrir un vibrant hommage au cinéma ("Holy Motors" désigne les "moteurs" des tournages), à ceux qui sont derrière, et plus généralement à toutes les formes d'art. Ainsi, on assiste à une succession de scènes magistrales déroulant des styles artistiques multiples: le cinéma
(les trucages de sang)
, la photo
(la séance au cimetière)
, la peinture
(dans les égouts avec la femme en Burqa et l'homme nu)
, le théâtre
(l'entracte musical en plan-séquence, la mort du vieux)
, le cirque
(les petites images intermédiaires)
, la motion-capture
(le porno en images de synthèse)
, la comédie musicale
(Eva qui chante)
, la mode
(le défilé de Kay M)
. L'ensemble est en plus parcouru d'une forte estime pour le métier de comédien
(longue journée, déguisements et masques multiples, différents personnages à jouer, les tournages dans le froid, les sacrifices familiaux, l'émotion dépassant le réel, le protagoniste se perdant entre le vrai et l'irréel (le suicide))
et les performances majuscules de Denis Lavant incarnent parfaitement cela (l'acteur est époustouflant), sans compter l'énigmatique Edith Scob, la divine Eva Mendès et l'excellente Kylie Minogue. Derrière cela, Leos Carax garde un oeil avisé sur la société moderne, qui ne veut malheureusement plus des "Action!"
(la limousine, le boss)
mais de la télé-réalité
(la séance au cimetière)
0
, alors que le cinéma permet de s'évader et que la vraie réalité est obtenue par ce biais, car on finit par oublier les caméras
(la séance au cimetière)
1
et que le réalisateur s'efface au profit de la scène
(la séance au cimetière)
2
. Sur la forme, si le metteur en scène ne parvient pas à échapper au défaut de la structure redondante de l'enchaînement des séquences avec passage de la limousine en guise de chapitrage et qu'il exagère parfois son concept
(la séance au cimetière)
3
, il délivre suffisamment de moments très variés et hauts en couleur pour divertir et éviter d'ennuyer, tout en utilisant des musiques de grandes tragédies qui subliment le contenu. Au final, "Holy Motors" est un film pas comme les autres, qui parle intelligemment de la vie et de l'importance des arts dans celle-ci. La distribution est bluffante.