Qu'y a-t-il de plus merveilleux en ces temps « cannois » accros aux auteurs dépressifs, que de voir, magiquement surgir, le nouveau « live action » estampillé Disney Pictures, dans une silhouette futuriste aux courbes plus épurées, encore, qu'un nouveau produit apple ! Tomorrowland s'annonce déjà comme une nouvelle œuvre ambitieuse qui refuse la tendance actuelle dystopique des films d'anticipation, où la destruction semble d'une facilité déconcertante. C'est, porté par des créateurs d'exceptionnelle envergure, que le nouveau Disney partage le message d'un homme, Walt, mort depuis bientôt 50 ans et qui n'aura jamais renoncé à de meilleurs lendemains.
Pour qu'une telle œuvre préserve ses plus beaux mystères lors de la rencontre du spectateur face à l'écran, le résumé se voudra volontairement évasif : Casey Newton, jeune adolescente douée et optimiste, se lance à la recherche d'une ville mystérieuse et futuriste du nom de Tomorrowland. Face aux nombreux obstacles qu'elle rencontrera, elle croisera les chemins d'Athena, jeune fille étrange et Frank Walker, ancien génie scientifique désabusé. Le parcours de nos trois héros leur ouvrira une nouvelle vision d'espoir pour un avenir fragile.
Il n'est pas difficile de percevoir, déjà au loin, les échos du spectateur, allergique aux productions Disney et qui, désenchanté comme Frank Walker (George Clooney), ne se donne plus le droit de rêver. D'abord, mettons tout de suite les choses au clair et cessons le débat numéro un autour de l'industrie des oreilles rondes : évidemment, Tomorrowland est un blockbuster, évidemment qu'il a été écrit et réalisé, comme le dit Brad Bird, pour plaire à un public élargi, lorsque les beaux jours reviennent. Cependant, le projet marketing (devons-nous rappeler que le cinéma est un art de l'industrie et nécessite ce « sale » argent pour vous faire rêver) n'enlève absolument rien à la qualité de cet objet filmique fascinant.
Oeuvre construite sur un scénario plus que béton, il n'est pas nécessaire de regarder le nom des scénaristes pour savoir qu'ils connaissent parfaitement leur métier. Mais parlons-en tout de même. Parmi les créateurs, c'est l'un des showrunners les plus renommés du monde de la série US qui offre une collaboration remarquable (et remarquée) : Damon Lidelof, co-créateur et producteur délégué de la série Lost et Leftovers mais aussi scénariste et producteur de Star Trek Into Darkness et Prometheus. A ceci, on ajoute Brad Bird, qui a réalisé bon nombre d'épisodes des Simpsons, mais surtout de grands films Pixar comme Les Indestructibles et Ratatouille. A la fois créateur, scénariste et réalisateur de Tomorrowland, nous pouvons largement considérer Bird comme auteur associé de son film et non petite main au service d'une industrie, prête à tout pour l'argent.
A travers une vision 1950's du futur, Brad Bird et ses acolytes, nous plongent dans un univers parfois immaculé, parfois coloré , qui place son œuvre au-delà du film de science-fiction, où celui qui rêve nourrit l'ambition d'un monde idéal, à l'image du créateur originel de ce réel imaginaire qu'était la section du même nom à Disneyworld. Finalement, Tomorrowland lance un appel à la « foi » (où l'on doit « prendre les coups qu'il faut pour que des choses positives arrivent »), face à une succession d'oeuvres récentes qui font leur art sur une société en perdition. A ce titre, nous pouvons largement voir ces auteurs optimistes, comme un nouveau souffle, de la même manière que Steven Spielberg ou George Lucas, à l'époque où le nouvel Hollywood créait autour de la noirceur d'un monde corrompu.
Même si le public, encore sceptique, hésite à franchir le pas, soyez sûrs, si vous n'avez pas vu la bande-annonce qui est une hérésie, que vous serez étonnés, secoués et subjugués dans les premiers deux tiers du film. L'enchaînement d'événements rocambolesques, mais crédibles, vous fera passer un excellent moment sans répit, vous prouvant que « l'entertainment » n'est pas nécessairement dénué d'intelligence et que, même un blockbuster Disney, peut offrir une réflexion poussée, pertinente et poétique sur le monde.