Ce film a quelque chose d'étrange à noter, car composer en deux parties très différentes, c'est presque comme si le film changeait de spectateur toutes les heures.Dans un premier temps Aronofsky nous fait pendant une grosse heure une présentation du monde pré-déluge. Dieu, spectateur de la victoire des descendants de Cain, privilégiant le règne du plus fort, de l'Homme sur la Nature, voir sur Dieu, dans ses "villes industrielles", décide de passer à l'eau la Terre. Ok, avec la création de cette "lignée" prête à en découdre contre Noé, on sent déjà la pique sur notre société contemporaine : dommage que le discours soit servi par un méchant bêtement salaud, empêchant toute forme de réflexion plus approfondie que ces quelques lignes. Il faut admettre que cette première heure laisse peu de chose à sauver tant elle se tourne essentiellement vers une phase d'action, à la sauce fantasy. Noé, adaptant le roman graphique éponyme et non le mythe biblique, nous sort golems de pierre et autre tour de magie (hop Mathuzalem le guérisseur, Tubal-Caïn et son fusil lance roquette anti Golem...) et dérange en même temps son spectateur face à cette débauche de fantasy simpliste. Pourquoi ? Est ce la volonté de montrer que traiter sérieusement, les textes religieux restent de la fantasy qui n'a cessé de s'améliorer avec ces siècles d'écrivains ? Peut être, mais quoiqu'il en soit, pendant ce temps le spectateur risque de souffrir de ce carcan hollywoodien au plan léché, aux catastrophes vues et revues et ces combats faussement épiques. On peut noter l'animation des Golem (stop motion ?) peu conformiste comme seule originalité rappelant le nom du réalisateur pas franchement grand chose de plus. Dans son fond, on notait la pauvreté du traitement des descendants de Caïn, pas mieux pour les autres y compris les fils de Noé, rongé par leurs propres faiblesses, laissant pourtant entrapercevoir une morale à la "faiblesse est inhérente à l'homme, comme sa lumière", mais encore une fois n'allant pas plus que ça.Et puis heureusement vient la deuxième partie. Le bateau à l'eau, Noé doit jouer entre son obsession pour ses convictions et les épreuves de la vie, : des thématiques propres à Aronofsky. Traité comme un huit-clos dans cet arche au design original, enfin le film sort de l’esbroufe visuel pour reprendre du fond, permettant même à un acteur dont je me méfiait, Crow, de montrer qu'il peut toujours assurer, y compris quand on le tire de ses rôles de généraux romains/golem aux discours moralisateurs. Le film s'assombrit dans son propos comme dans son atmosphère et enfin Aronofsky semble sauver son film en exploitant cette fois-ci en profondeur dans ce film le personnage de Noé, entre père - humain ayant ses limites - et extrémistes religieux. Cette partie, cette fois-ci une petite heure m'est apparue comme très bonne, même si les situations annexes (comme par exemple ce qu'il se passe dans la tête de ses enfants confrontés à la réalité de leur père) reste trop muet et sous exploité. Une noirceur que l'on sait obligatoirement devoir s’alléger sur un film reprend la Bible, au risque de faire frémir son public habituer à des fins toujours sombres. Bref un film qui comporte ses failles et sa force, qui va faire vaciller les adorateurs d'Aronofsky, habitués à des films plus homogènes dans le traitement, et nous forcera à attendre d'un oeil attentif sa prochaine oeuvre.