Il y a tant a dire sur la dernière lubie de Darren Aronofsky que devinez-quoi, certains l'ont fait. Voilà pourquoi je n'en rajouterai pas trop, mon avis se rattachant beaucoup à celui de certains critiques professionnels (certains sont ici extrêmement pertinents) que je ne prétendrai pas imiter. On note quand même chez l'américain l'éclatement total de la mégalomanie qui semblait sommeiller en lui depuis The Fountain, bien que le bide du film (que j'ai aimé, soit dit en passant) l'ait contraint à regagner les faveurs de la critique avant de se rattaquer à un projet de grande envergure. Mais son blockbuster biblique avait tout du projet artistique mort-né, de ce genre d'oeuvre qui vont tellement loin dans leurs implications et leur ressources potentielles qu'il ne faut ni plus ni moins qu'un chef-d'oeuvre pour répondre aux promesses - visées ou non - qu'elles finissent par susciter d'elles-même. Si l'échec n'est pas si retentissant, c'est qu'il était donc prévisible, d'autant que la promo dévoilait déjà bon nombre de maladresses dont la version cinéma ne constitue en fait qu'un étalement. Noé est donc une incroyable tambouille new-age, qui s'avère dans un premier temps à deux doigts de perdre l'essence du récit biblique dans son patchwork d'influences culturelles, finissant heureusement par s'en ressaisir à temps pour offrir quelques idées bienvenues. Mais quoi qu'il en soit, tout est écrasé par les gros sabots du cahier des charges hollywoodiens et gaspillé par l'emphase incontrôlée de Darren Aronofsky, qui incapable de tirer du sens d'images aux courbes modestes, s'échine à surligner abusivement son propos dans un symbolisme grandiloquent et pompier. Voilà qui manque donc de richesse, de libertés de lecture, de puissance sous-jacente. Vraiment, j'avais visiblement surestimé Aronofsky, qui quant à lui semble pourtant ne jamais dévier de sa route, trop confiant sans doute en ses capacités pour proposer quelque chose de plus modeste mais qu'il maîtriserait totalement. Noé (le film, pas Russel Crowe) est donc comme un gosse aux vêtement trop amples pour la taille de son corps : un film qui se veut grand et tente de se comporter comme tel, mais ne saurait tromper son monde. Comment oublier ce casting catastrophique, dont Crowe sauve tant bien que mal l'honneur, et ces égarements visuels tout simplement dignes d'un navet ? Bref, ne tirons pas sur l'ambulance et finissons-en, Noé propose ponctuellement des séquences originales, mais s'écrase lui-même par l'objectif qui cherche à atteindre tout en se mettant, lui-même là encore, des bâtons dans les roues. Toute la conviction du Monde n'y changera rien, Noé est pour moi un naufrage (oui, le jeu de mot est moisi, mais à ma décharge, il n'était même pas calculé). Il faudra sans doute que je revoie Black Swan, The Wrestler, ou même The Fountain pour me rassurer et vérifier que je ne me suis pas laissé duper par Darren Aronofsky, et que le talent de l'américain est bien réel. Quoi qu'il en soit, il parait certain que le prometteur Exodus n'aura aucun mal à triompher de ce film bancal et faiblard, dans la catégorie récit biblique de l'année.