Pour ce qui est de la forme, on dira qu'il y a du bon et du moins bon. Il y a quelques jolies idées comme le fruit défendu qui bat comme un cœur, le sol volcanique désertique et les paysages islandais, les veilleurs qui malgré un côté un peu rétro m'ont beaucoup plus. Mais on a aussi des images de synthèses franchement pas réussies notamment lorsque la caméra suit les oiseaux en les filmant par derrière ou le gros cliché de la colombe avec le rameau d'olivier dans le bec. Niveau interprétation, le choix de Crowe est le bon il peut supporter à la fois le côté héro de blockbuster et l'autre côté plus intimiste du film. Connelly est parfaite dans la figure maternelle (rappelons que le rapport à la mère est quelque chose de très important dans la religion chrétienne) et porte superbement son âge. Preuve qu'il n'y a pas besoin d'être botoxée pour être belle. Emma Watson fait le taf. Il n'y a rien à lui reprocher. Par contre les fils de Noé Logan Lerman et surtout Douglas Booth sont de vraies têtes à claques, et le 2è joue particulièrement mal. Voilà pour la forme, passons au fond, puisque c'est là le nœud du problème.
Tout d'abord éclaircissons ma position. Je ne suis pas croyant mais j'ai reçu une éducation catholique et je ne conchie pas sur la religion. Je suis neutre. Pas tout à fait athée, pas tout à fait agnostique plutôt un jemenfoutiste de la question religieuse et avant tout un homme tolérant. Bref, je me contrefiche des libertés prises pas Aronofsky avec l'histoire originelle qui, je vous le rappelle, n'appartient pas à la Bible, ni a aucune des trois grandes religions monothéistes. Le mythe du déluge apparaissant dans des textes bien plus anciens et partout dans le monde. Donc Aronofsky nous offre sa vision du déluge avec un monde post-apocalyptique où l'industrie des hommes et l'exploitation à outrance de la nature a fini d'épuiser les richesses. Dans ce monde, des anges déchus appelés veilleurs ont suivi Adam et Eve dans leur exil du jardin d'Eden et se retrouvent transformés en géants de pierre. Pourquoi pas ? J'ai rien contre tout ça et ce n'est certainement pas ça que je vais critiquer.
Mon problème c'est surtout je n'ai pas compris ce film et ce que voulais en faire Aronofsky. Est-ce que c'est son Seigneur des Anneaux ? Méga-production, FX démesurés, vastes paysages et créatures mythologiques ? Problème, en dehors de l'attaque des hommes et du déluge, niveau action il n'y a rien. Est-ce que c'est un film plus intimiste, une étude à travers la psychologie de Noé et ses tourments du rapport au divin, à la religion, à la morale, à l'obsession, ou autre ? Enfin il y avait plein de pistes à explorer mais Aronofsky n'en empreinte aucune. Je n'ai jamais ressenti la tension, le questionnement intérieur de Noé. Alors il y a certes la scène où il apprend la grossesse d'Ila et où il sort sur le pont de l'arche et tombe à genou sous la pluie (scène ridicule, clichée et vraiment too much mais ce n'est pas la seule) mais ça dure 30s et on ne sent jamais son hésitation. Il passe de "je vais buter le gosse à sa naissance" à "je le bute seulement si c'est une gonzesse qui pourrait potentiellement se reproduire avec un de ses oncles" (bon le côté inceste remonte déjà aux enfants d'Adam et Eve donc niveau religion ça ne choque pas trop). Il n'y a même pas "mais si elle est enceinte, c'est peut être la volonté du Créateur ?" Bref, l'introduction d'Ila, de sa grossesse et donc de la question sur la deuxième chance accordée à l'Humanité apporte quelque chose de très intéressant et oppose le bien commun, en l'occurrence l'intérêt supérieur, la volonté du Créateur, en tout cas selon Noé, au bien pour soi. Aronofsky pouvait aussi évoquer l'obsession comme il l'a fait dans ses précédents films (Black Swan, The Wrestler ou Requiem for a Dream) et le fanatisme. Il y avait vraiment de la matière mais rien n'est exploité.
Bref, peut être suis-je passé à côté mais pour moi ce film n'est ni un bon divertissement ni un film qui me fait réfléchir. Tout semble survolé sans jamais vraiment poser la ou les questions. Au final je ne retiens qu'un message pseudo-écolo éculé à tendance végétarienne extrémiste qui, coïncidence ou volonté d'Aronofsky, à tout d'une nouvelle religion.