J'ai visionné hier "Le sens de l'âge", un film documentaire qui croise donc les regards et expériences de six octogénaires, soi-disant rendus "philosophes" par leur longue vie et surtout terriblement détachés. Je dois dire que je m'étonne que les critiques d'Allociné ne soient pas justement plus critiques envers ce chapelet de portraits de vieillards exsangues. Je n'adhère pas au concert de louanges dont bénéficie ce film, qui relaye surtout ce que je redoute le plus dans le "grand âge" : le fin des passions. Déjà, patatras ! J'ai compris d'emblée que cela allait mal tourner, cette affaire : on apprend dès les premières minutes que Claude, dont le discours - digne des Indignés ! - se situait sensiblement au-dessus de ceux qui allait enfiler les truismes plus déprimants les uns que les autres, que Claude, donc, était décédé à l'orée de sa participation au film. Reste de lui qu'une courte interview préliminaire, hélas. Elle permet surtout de mettre en exergue la vacuité/vanité des propos suivants, qui louent absolument tous le "précieux détachement qui est l'apanage du quatrième âge", et autres horreurs assénées comme des promesses de soulagement (libidinal, surtout). En effet, je n'aspire PAS DU TOUT à la délivrance libidinale, que je perçois et percevrai a priori toujours comme une pulsion vitale, une force motrice. Putain, tout le monde veut en finir avec la pourtant si nécessaire et désirable "zone d'inconfort" (le lieu de la passion, entre autres), dirait-on, pfff... Je déplore qu'aucun des "grands sages" ainsi interviewés ne puisse envisager comme redoutable cette fin de vie dépassionnée, ne puisse pas se montrer défiant vis-à-vis de cette fin des tourments qui est également, hélas, la fin des envies, la fins des désirs, la fin des besoins. La fin des haricots. Et si seulement le message de ce film était celui-ci : "Profitez-en bien, les jeunes : la passion est apparemment l'espèce la plus menacée par le temps, l'âge" Mais non, je n'ai pas trouvé, et ce malgré l'insistance un peu chagrine du réalisateur à pousser ces flocons vides dans leurs retranchements. Plutôt que de subir ce triste spectacle de désolation auto-satisfaite, réécoutons le regretté Leprest : "J'avais hâte de te connaître... La retraite !"