Miss Austen Regrets (intitulé Le Choix de Jane en français) est un film qui revient sur les dernières années de Jane Austen, alors qu’elle tente de véritablement vivre de ses romans et que la maladie qui la tuera commence déjà à la miner. Je voulais le voir depuis longtemps, mais je crains d’avoir été trop longue à faire ma chronique. Je vais essayer de vous donner mes impressions, mais j’aurais dû vraiment prendre des notes !
Le film commence par la seule demande en mariage dont on est certains que Jane l’a reçue : celle de Harris Bigg-Wither, le frère de deux de ses amies. Puis on fait un saut dans le temps, on la retrouve à l’approche de la quarantaine, alors que sa nièce Fanny est à l’âge des fiançailles et lui demande des conseils (aux alentours de 1814 il me semble). J’ai trouvé ce film très intéressant. Rien que son titre déjà pose des questions, fait s’interroger sur la personnalité de cette auteure qu’on admire tant. Contrairement à « l’autre » film consacré à cette femme, Becoming Jane, qui mise tout sur le romantisme et la jeunesse (en taillant dans le vif de la réalité historique), Miss Austen Regrets se penche sur Jane Austen à l’âge mûr, alors qu’elle avait suffisamment de recul pour repenser aux choix qu’elle a faits, tous tendus vers la conservation de cette possibilité d’écrire. Bien qu’elle soit restée parfois plusieurs années sans écrire de romans, elle n’a jamais accepté de prendre une décision qui risquerait de l’empêcher irrévocablement de recommencer. Et le mariage faisait certainement partie de ces décisions.
Il y a aussi l’affection bien sûr ; aimait-elle suffisamment Harris Bigg-Wither et les autres prétendants que le film lui prête (avec beaucoup moins de certitude) pour se lier à l’un d’eux par le mariage ? Apparemment pas. Ce qui m’a vraiment étonnée, c’est de présenter Miss Austen non seulement comme vive, intelligente, malicieuse, mais aussi un peu comme une langue de vipère, dont les traits acérés étaient craints par certaines personnes de son entourage. Et ça m’a plu. Comment ne pas imaginer qu’en vieillissant, en voyant le monde changer autour d’elle, lui échapper, avec les douleurs qu’elle ressentait certainement du fait de sa maladie, elle soit devenue un peu... irascible ? Un peu aigrie par moments, devant la jeunesse de Fanny, qui ingénument lui demande des conseils et retourne le couteau dans la plaie ? Plutôt qu’une héroïne au même titre que celles qu’elle a créées, ce film nous présente une femme en chair et en os, avec son lot de défauts et de qualités. Je l’ai trouvée touchante, cette Jane Austen affaiblie mais toujours vivace, dont l’ironie mordante va plus loin que la simple taquinerie. Son entourage n’était pas épargné par ses piques acérées, mais leurs soirées auraient été bien ennuyeuses sans Miss Austen pour les animer !
De même, son comportement presque enjôleur envers certains hommes me paraît tout à fait plausible. C’était une femme, par une enveloppe de chair vide ! Sans doute avait-elle conscience qu’en préférant ses romans au mariage, elle était passée à côté d’autres bonheurs. Les biographes s’accordent à dire qu’étant jeune, elle aimait les assemblées, aller danser, et certainement flirter (gentiment cela dit, pas comme une Isabella Thorpe !). Je crois donc probable qu’elle n’ait pas renoncé à ce genre de plaisirs innocents, et cette attitude de la part d’une spinster (vieille fille) devait certainement en énerver plus d’un, tout comme cela devait en charmer d’autres.
Ce film met en avant des choses qu’on voit moins dans d’autres « austeneries ». Davantage de réalité, débarrassée des côtés brillants des soirées, des babillages mondains. Le début du XIXème est bien là, comme toujours grâce à une reproduction minutieuse de la BBC. J’ai trouvé les acteurs justes aussi, dans le bon ton selon qu’on est sur la scène sociale ou dans l’intimité. Olivia Williams fait une excellente Jane, physiquement (elle a presque un air de ressemblance avec le portrait qu'on a d'elle je trouve) et dans son interprétation. Il y a plusieurs beaux garçons en plus, même si le pauvre Tom Hiddleston n'a pas un rôle très reluisant je trouve ! Cependant, il manque quelque chose en tant que film. Une ligne conductrice plus affirmée peut-être, et davantage d’explications pour les non-initiés à la vie de Jane. Une musique pour soutenir les propos aussi, qui nous donnerait des indications sur l’état d’esprit du personnage. Pour ma part, je suis aussi un peu gênée par ma mauvaise mémoire (ma lecture de la biographie de Claire Tomalin remonte à plusieurs années déjà), qui m’a empêchée de faire la part entre le biographique et le cinématographique si je peux dire. Le besoin de lire une biographie d’Austen se fait de plus en plus pressant, surtout que j’en ai plusieurs qui traînent dans ma PÀL !
C’est un film que j’ai trouvé résolument plus intéressant que Becoming Jane en ce qu’il essaie vraiment de retranscrire à l’écran une partie de la vie et la personnalité de l’une des plus grandes romancières britanniques. En tant que film en revanche, il n’est pas extraordinaire, et décevra ceux qui y cherchaient le même plaisir que dans les romans de Jane Austen. Il faudra que je le revoie après m'être replongée dans la vie de Jane, mais en tout cas c'est un film qui m'a marquée et qui m'a plu !