Quand Nanarland classe quelque chose parmi ses meilleures trouvailles tous genres et toutes périodes confondues, je me dois de m’y plonger avec la délectation du goret dans sa flaque de boue. Une fois n’est pas coutume, je ne reviens pas déçu du voyage : à l’échelle de la nullité surréaliste, Savage water est une authentique perle rare, même si ce n’est pas entièrement de sa faute. A première vue - en fait, au bout de vingt minutes puisque le scénario prend tout son temps pour présenter chaque personnage, y compris et surtout ceux qui ne joueront aucun rôle dans l’histoire - le film évoque une version primitive, fauchée et misérable de “La rivière sauvage� avec Meryl Streep sauf qu’en fait, l’inspiration viendrait serait plutôt à chercher du côté de ‘Délivrance� : quand les gens sont sur la rivière, il ne se passe absolument rien : le courant est calme, les touristes font ‘Youpiiiie� dès qu’il y a une vague (puisque la même bande sonore est recyclée à chaque scène), on flanque un gamin ou une dame à l’eau pour rigoler, tandis que la nuit et le jour, le soleil et le brouillard évoluent d’une seconde à l’autre parce que le réalisateur n’avait pas pris la peine d’y réfléchir dans son planning. C’est quand ils accostent pour passer la nuit (ou le jour) sur les rives de la rivière qu’un psychopathe les tue les uns après les autres...enfin, les deux premiers, on n’est pas sûrs mais la dernière, oui. Et on voit très bien que c’est le psy qui a fait le coup. Rhooo, ça va hein...je ne vous ai pas spoilés : déjà, vous ne verrez jamais le film et puis, il n’y avait aucune raison ni logique particulière à ce que ce soit le psy, le coupable, c’est juste qu’il en fallait bien un. De toute façon, monté et filmé n’importe comment, bourré de dialogues ahurissants de vacuité qui ne servent qu’à faire durer le calvaire, bercé par la même musique de mauvais western qui tourne en boucle et parsemé de flashbacks impossibles à différencier des scènes qui se déroulent au présent, ‘Savage water’ déroute, au point que très vite, on ne sache plus en direction de quoi notre attention de spectateur doit s’orienter en priorité. Ce degré zéro de la mise en scène n’a pas empêché certain illuminés de voir en ‘Savage water’ l’ultime témoignage filmique de l’ère hippie, une démonstration tardive de la faillite des idéaux communautaire lorsqu’ils s’écrasent sur la réalité de la nature humaine. Honnêtement, compte tenu de certains éléments présents de la film, je veux bien croire qu’il soit possible, a posteriori, d’arriver à cette conclusion...mais c’est surtout la preuve que, comme la numérologie, on peut prouver n’importe quoi avec un peu d’adresse et beaucoup de mauvaise foi. Toutefois, ce qui permet réellement à ‘Savage water’ de transcender sa nature de film de merde est, une fois de plus, sa version française : celle-ci fait partie de la catégorie ô combien délectable des trucs qui semblent avoir été doublée par le distributeur français, sa femme et son beau-frère, le premier ayant sans doute dit aux deux autres “On est trois, on n’a jamais fait de théâtre, même pas de la diction, mais je suis sûr qu’on peut arriver à doubler tous les personnages. Et j’ai une petite Chartreuse dont vous me direz des nouvelles�. Couplé à ces dialogues qui voudraient bien avoir l’air mais n’ont pas l’air du tout, le résultat fait des étincelles...et devrait rappeler des souvenirs d’étudiants à certains : vous vous souvenez de ce moments où, miraculeusement à jeûn, vous vous retrouviez au milieu d’un groupe de gens ivres et/ou défoncés qui commençaient à manipuler des concepts cosmiques et pérorer sur le sens de la vie et la logique de l’univers ? Hé bien, les dialogues de Savage water vous feront le même effet !