Commençons par les bonnes choses. La reconstitution du New York des années 1920 est superbe, la réalisation de James Gray est comme toujours très classe, la photographie de Darius Khondji touche au sublime avec ses teintes sépia, ses clairs-obscurs, ses jeux de focale (le dernier plan est magnifique). Côté interprétation, pas grand-chose à redire : Marion Cotillard est convaincante (voire étonnante lorsqu'elle parle polonais sans doublage) ; Joaquin Phoenix se montre très à l'aise dans un registre qui lui colle à la peau, noir et torturé (il surjoue toutefois un peu la scène finale). Quant au canevas général du scénario, il comprend quelques noeuds intéressants, notamment cette relation trouble entre Ewa et son souteneur, sur fond d'amour, de jalousie, de mépris, de reconnaissance, de pardon... Le problème, c'est que le film, dans son ensemble, laisse froid. On admire sa beauté plastique, mais on reste à distance de l'histoire. Tout à sa quête de virtuosité classique, James Gray ne cultive qu'un lyrisme aseptisé et vaguement suranné. Le récit se déploie avec élégance, certes, mais sur un rythme lent et monocorde, qui étouffe tout élan émotionnel. On peut trouver, par ailleurs, que le regard sur les migrants, le discours sur le rêve américain, ainsi que les variations sur le trio amoureux ne sont pas d'une originalité folle. On peut enfin se lasser, voire s'agacer, du fait que la réalisateur nous resserve, de film en film, plus ou moins la même soupe thématique et mélodramatique sur la faute et la rédemption.