En partie connu pour son travail sur The Yards et La Nuit nous Appartient, James Gray signe son retour cinq ans après Two Lovers avec The Immigrant, un drame politico-romantique contant les mésaventures de Ewa Cybulski, une clandestine polonaise qui tente par tous les moyens de survivre dans l’hostile et dangereuse jungle américaine, durant les années 20. Et, pour interpréter cette héroïne déchirée entre l’adoption de valeurs immorales et la survie de sa sœur, c’est en la personne de Marion Cotillard que James Gray confie le rôle. Une belle affiche donc, véhiculée par de solides atouts. Analyse.
Fidèle à sa mise en scène et aux desseins non sans sérieux mis en avant dans ses métrages, Gray opte une nouvelle fois pour une approche terre-à-terre, sérieuse et pragmatique. Dans des décors froids et sombres, la belle Ewa se retrouve ballotée malgré elle, contrainte à vendre son corps et son âme -au diable-, en échange de soins accordés à sa sœur laissée en retrait aux portes de la Terre Promise. Car, dans cette aventure qui révélera par la suite les faces cachées de nombreux protagonistes, tout se paie, et le boulet de plus en plus lourd que traîne sans cesse Ewa, constituera le fil conducteur d’un récit parfois trop long.
À ses côtés, l’immense Joaquin Phoenix signe une prestation hors du commun et prend part, comme Jeremy Renner, à un triangle amoureux dont les conséquences fatales détermineront l’avenir de beaucoup. On réalise alors, à l’image de Gladiator ou de The Master, que c’est sous les traits sadiques et inhumains de ses personnages que l’acteur exploite au mieux ses capacités. Ici, sous ses airs de proxénète invétéré, il ne fera que confirmer la chose. Toutefois, le film ne s’intéresse pas tant à la descente aux enfers du personnage de Marion Cotillard, mais davantage au chemin inverse qu’entreprends Joaquin Phoenix. Et c’est là l’un des tours de force de The Immigrant : sombrer vers une mélancolie partagée, en inversant complètement la tendance et donner à Phoenix la compassion qu’il mérite. Ce ne sera finalement qu’après moult ennuis que chacun pourra se reconstruire, au prix de terribles sacrifices.
Malgré tout, The Immigrant n’est pas le film de l’année, en raison d’un scénario trop peu impliquant par moment et de la sous-exploitation du personnage d’Orlando, qui aurait mérité davantage d’exposition. Toutefois, le sujet est maîtrisé, le jeu d’acteur relativement bon, tandis que la préface introductive soulève de nombreuses questions philosophiques : jusqu’où irions-nous pour ceux que nous aimons ? à quel prix payons-nous notre liberté ? Et là, James Gray fait ce qu’il sait faire le mieux : partir d’une approche dramatique pour soupeser de multiples raisonnements, à l’aide d’une mise en scène simple, mais efficace.