À l'Est d'Eden (1955) d'Elia Kazan est un magnifique drame issue de l'adaptation de la fin du gros roman éponyme de John Steinbeck sur le thème des rapports conflictuels entre parents et enfants. Salinas, Californie, 1917. Le jeune Cal est instable, jaloux, provocateur, violent. Son père, Adam, empêtré dans des principes religieux rigoristes, ne l'aime pas. En fait, Cal est prêt à tout pour recevoir de l'amour et en donner... Ici, le film montre, sur un mode lyrique, tendu, exacerbé, les risques de désintégration d'une famille, la faute en revenant principalement au patriarche, à sa compréhension étriquée des règles religieuses. Par ailleurs, le contexte de spéculation et d'affairisme des milieux agricoles californiens avant l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale n'est pas oublié, pas plus que les bouffées d'intolérance qui s'empare des esprits (le père face à la mère déchue, les habitants face à l'émigré allemand). Un bon casting : Jo Van Fleet, Julie Harris, Raymond Massey et un petit nouveau dans son premier vrai grand rôle au cinéma : cheveux en bataille, démarche hésitante, mouvement brusques et saugrenus, regard perdu, toujours au bord de la noyade affective, James Dean, mal dans sa peau (la formule semble avoir été inventée pour lui) est au cœur du film. Devant la caméra inspirée d'Elia Kazan et dans le format large du CinémaScope qui, loin du spectaculaire facile, permet aux personnages de rester en constante relation avec leur décor, géographique et social, le jeune acteur découvert par Kazan exprime les révoltes, les illusions et les espoirs de la jeunesse dans l'Amérique, celle de 1917, celle de 1955, mais aussi auprès de tous les spectateurs qui (comme moi) aiment encore le film. À chaque visionnages de ce chef d'œuvre, je me dis toujours que j'ai tellement de peine pour lui quand je le vois en gros plan, que j'ai envie de le prendre dans mes bras. Un film sublime !