La pièce de George Bernard Shaw "Pygmalion" a déjà fait l'objet d'une adaptation cinématographique dans les années 30. C'est Anthony Asquith, ami de Shaw qui s'y était collé (avec Leslie Howard - le Ashley d'"Autant en emporte le vent" - dans le rôle du Pr Higgins et Wendy Hiller, dans celui d'Eliza Doolittle), avec brio. Cependant, la version de Cukor a ceci d'audacieux, que c'est une comédie musicale! Brillamment mise en scène par le réalisateur de confrontations entre Katherine Hepburn/Spencer Tracy ou Cary Grant, magistralement adaptée par Alan Jay Lerner et bénéficiant de la musique grandiose de Frederick Loewe, la pièce devient plus puissante encore. Le casting quant à lui est impeccable : Rex Harrison, qui avait créé le rôle à Broadway, reprend ici son rôle du Pr Higgins, comme Stanley Holloway, celui d'Alfred P. Doolittle. Audace supplémentaire, le choix d'Eliza Doolittle... Audrey Hepburn! La gracieuse égérie de Givenchy, l'élégance faite femme, à la diction et au maintien - trahissant des années de danse classique - parfaits, jouant les petites vendeuses de fleurs, les souillons, dont la crasse n'a d'égale que l'accent cockney effroyablement douloureux pour les oreilles? Les producteurs ont dû avoir chaud... Pourtant, comme toujours, Audrey Hepburn nous offre une performance ahurissante de naturel. Face à Rex Harrison (comme face au reste du casting, tout-à-fait brillant, d'ailleurs!), qui était le seul fait pour ce rôle, tant sa distinction et sa facétie s'y prêtent, Audrey, nous donne encore la preuve, s'il en était besoin, de son génie du jeu. Sous la direction de Cukor, le duo Harrison/Hepburn fonctionne admirablement et nous fait cadeau d'un des plus grands moments du cinéma...