Toujours sur le pont lorsqu’on me propose une adaptation d’un Stephen King, c’est cependant sans grandes attentes (et avec quelques a priori) que j’ai lancé Carrie – La Vengeance. Il y a deux raisons à cela: tout d’abord, et même si je finis toujours par les regarder, j’ai toujours trouvé les films tirés des romans de King plutôt moyens. Il faut dire que beaucoup sont des téléfilms (Il est revenu, Le Fléau, Les Tommyknockers) nés à une époque où les productions télé étaient plutôt fauchées et assez ringardes. Ensuite, il s’agit d’un remake du début des années 2010, quand la majorité des films d’horreur sont des productions pour ados plus débiles que jamais. Mais comme je le disais, je finis toujours par les regarder.
J’avais pratiquement oublié l’existence de ce remake et, pour parler franco, c’est un peu faute d’un film plus emballant sous la main (j’avais d’abord essayé de regarder Excalibur de John Boorman, mais la sensation de distance avec l’histoire et les acteurs beuglant en permanence ont eu raison de mon intérêt) que j’ai exhumé Carrie des tréfonds de Netflix.
Carrie, la vengeance, c’est l’histoire d’une ado de seize ans extrêmement réservée, élevée dans la foi chrétienne un brin excessive de sa mère, qui lui a tout caché de ce qui peut avoir un rapport avec la sexualité. C’est donc tout sauf sereinement qu’elle réagit lorsqu’elle a ses règles pour la première fois, alors qu’elle prend sa douche après un cours de gym (c’est ballot, mais bon on choisit pas). Paniquée, elle court chercher de l’aide auprès des autres filles de sa classe, qui se moquent d’elle, l’humiliant sévèrement en lui jetant des tampons et en filmant toute la scène. Carrie est alors secourue par Miss Desjardin, sa prof de gym, qui décide de la prendre sous son aile. Alors commencent les conflits entre Carrie et sa mère, de qui elle remet les croyances morbides en question, pendant que les épisodes d’humiliation tournent au harcèlement. Mais l’adolescente va se découvrir un don pour la télékinésie, qu’elle va apprendre à utiliser. C’est à ce moment là qu’on comprend qu’on s’est fait spoiler le film par le titre.
Bon, on ne va pas se mentir: on n’est pas face à un chef-d’oeuvre. Les personnages sont globalement caricaturaux, les effets spéciaux sont franchement bof et la fin est à classer dans la catégorie “débile”. La palme de plomb revient à tout à fait inutile scène répétée du seau se renversant sur Carrie (3 fois, et au ralenti) et aux pierres rondes qui tombent de partout lorsque la maison s’écroule et dont on se demande quand même d’où elles peuvent bien venir (ou alors la maison est construite avec de très gros galets). Et si le film propose une certaine esthétique du sang, intéressante, elle est soutenue par des scènes-prétextes parfois inutiles qui donnent au propos du film un ton excessif et maladroit.
Mais une fois passées ces premières impressions, une fois qu’on accepte les défauts de ce qui reste une production assez violente à destination des ados (ce qui implique que tout ait l’air caricatural, de l’attitude des personnages jusqu’aux décors, comme si on s’adressait à des crétins), le film sait créer des moments qui font entrer en empathie avec ses protagonistes, donnant ainsi de l’importance aux différents enjeux. On suit donc avec un certain intérêt l’évolution de l’histoire, on se prend de pitié et de sympathie pour la malheureuse adolescente, dont on comprend les luttes intérieures et à qui l’on souhaite paternellement de pouvoir trouver un chemin plus agréable. La prise de conscience et la maîtrise progressive de ses pouvoirs est plutôt bien amenée, même si l’on pourrait s’étonner qu’une bibliothèque de lycée dispose de tant de littérature sur le sujet. Plus globalement, et c’est pourtant ce qui me manque généralement dans les films de ce genre, les personnages sont suffisamment bien construits pour que leurs réactions semblent logiques et puissent apporter du crédit aux différentes situations. Dans l’ensemble, l’histoire est plutôt prenante (bon après c’est du Stephen King) et la transposition dans les années 2010 est réussie et crée des enjeux avec l’intégration du smartphone notamment (SMS, vidéo, cyberbully).
Carrie est un film violent dans le fond comme dans la forme (parfois gratuitement, je l’ai évoqué plus haut). La peur est omniprésente, bien que celle induite chez le spectateur par les procédés cinématographiques utilisés soit relativisée par une certaine maladresse, c’est dans la capacité du film à créer de l’empathie envers les personnages et les situations qu’ils vivent que l’on va ressentir leur peur sous ses différentes formes. On a peur de maman zinzin, on a peur des harceleuses, on a tout le temps peur pour Carrie (et on finit par avoir peur de Carrie aussi). En cela, le résultat est plutôt réussi et fait de ce sentiment le thème central du film.
Chloë Grace Moretz (Carrie), que j’avais déjà vue dans Kick Ass et dans Dark Shadows, joue plutôt bien, du haut de ses seize ans, son rôle de victime (toujours dans la caricature, bien sûr), mais aurait mérité d’être mieux dirigée lors de la scène du bal. On est très très loin de l’ultra flippante Sissy Spacek. Julianne Moore (Mrs. White) glisse un peu d’humanité dans son personnage cinglé, qui souffre de quelques scènes franchement too much (sa sortie ridiculement sanglante du placard sous l’escalier, ou sa petite séance de charcutage de cuisse au découseur, par exemple). Judy Greer (Mrs Desjardin) assume quant à elle plutôt bien son job de prof protectrice et lui donne une vraie personnalité. Pour ce qui est des autres adolescent(e)s (qui ont tous visiblement bien plus de 16 ans), le bilan est plus mitigé, notamment pour Gabriella Wilde (Gabriella Zanna Vanessa Anstruther-Gough-Calthorpe de son vrai nom, dommage qu’elle ait opté pour un pseudo d’actrice porno à la place), qui semble ne pouvoir exprimer qu’une seule expression. Bref, on n’a pas envie de décerner d’oscars de comptoir, mais ça passe.
En somme: un film pas mal, mais pas top, dans lequel on rentre sans difficultés et qui arrive à secouer un peu et à faire aimer (ou détester) ses personnages. Une esthétique assez cool, quelques références au film de 76, et le tour est joué pour se divertir le temps de 100 minutes en réfléchissant vaguement à bien choisir les gens qu’on veut faire chier.