La fille de Brest ne serait-il finalement pas un si mauvais titre ?
J'avais peur que ce film soit un pur documentaire à charge, revenant méticuleusement sur chaque rebondissement de l'affaire Médiator. En fait bien sûr qu'il y a un tout petit peu de ça, mais l'angle choisi apporte vraiment un regard nouveau sur ses protagonistes, et surtout bien sûr sur le docteur Irène Frachon.
Je ne connais pas la femme dont est inspiré ce personnage principal, ce qui me fait me demander quelle part du caractère qu'on nous montre est "vraie" ou exagérée.
Frachon est, dans cette adaptation d'adaptation, une grande gueule. Elle a des convictions, et elle sait utiliser tous ceux qui passent entre ses mains pour leur donner vie. Sans parler d'une manipulatrice, elle choisit et place implacablement ses pions, sans émettre la moindre hésitation.
Malgré les quelques attaques évoquées de la part de Servier, elle reste stoïque, héroïque, et ne faiblit jamais. J'imagine que ce trait est un peu amplifié. La seule scène de relâche est très vite effacée par les mots de son époux, autrement peu présent.
Mais justement, c'est cette forte tête que l'on prend plaisir à voir évoluer ! Sans cela, le film aurait pu être mou, une simple démonstration de la malhonnêteté implacable des labos. Cette simplification du personnage est donc un choix, et il sert judicieusement le film.
L'humour a lui aussi été utilisé de manière notable. Sans rire aux éclats (encore que), il allège des scènes autrement sombres et émousse le pavé lancé dans la mare aux labos. L'équilibre est parfaitement maitrisé.
Je m'attendais à un film dur, surtout poignant humainement, nous faisant vraiment ressentir de manière viscérale cet éprouvant combat. Au lieu de ça on montre plusieurs personnages très forts face à cette constante oppression. Finalement, à part les magnifiques scènes de chirurgie, qui auront marqué plus d'un spectateur surpris par tant de naturel et d'humanité (c'est leur quotidien après tout !), ce film est assez accessible.
Les acteurs sont bons et justes (par exemple le très bon père Noël) et l'action est bien rythmée y compris lors des phases de recherche et d'analyse Excel ce qui, même pour moi qui aime les chiffres, tient de la prouesse !
Je note également la scène de dénouement où la musique est utilisée de manière très élégante et entrainante, en mêlant musique de fond rythmée et percussions intra-diégétiques (jouées par le fils Frachon).
Les panneaux de fin sont expédiés, mais ils ne servent à rien, ce qui illustre la volonté, non pas de décrire les rebondissements, mais bien de raconter une histoire à échelle humaine.
Face à un thème de départ peu engageant, ce film a brillamment relevé ses défis.