Plus adepte des comédies (Quatre garçons pleins d'avenir), Jean-Paul Lilienfeld s'est essayé au drame en 2008 avec La Journée de la jupe. Avec Arrêtez-moi, qui aborde des questions difficiles, telles que la violence conjugale et la culpabilité, il semble avoir gardé cette direction. Toutefois, selon ses dires, il s'agit davantage d'une "humeur du moment" que d'un réel changement de cap et d'un franc tournant.
Le cinéaste explique que le point de départ du film est bien sûr le livre de Jean Teulé, Les Lois de la gravité, mais également un chiffre, qui lui a semblé "hallucinant" : effectivement, en France, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint.
Afin de pouvoir filmer la violence subie par le personnage que campe Sophie Marceau "de l'intérieur" et que la caméra incarne véritablement "les yeux" de l'actrice, Jean-Paul Lilienfeld déclare avoir mis au point, avec son équipe, un dispositif nouveau, lourd de plus de huit kilos : "Nous avons pris un appareil photo qui filmait en HD, le Canon 5D et nous sommes allés consulter (...) un machiniste qui invente... Il nous a fixé l'appareil sur un casque de moto, ajouté des tas de trucs très malins pour que tout soit équilibré, puisse être relié par des câbles fournissant l’électricité sans étrangler la comédienne."
Arrêtez-moi a été une expérience singulière, en cela qu'il confronte deux actrices chevronnées qui ont, selon le réalisateur, "une dynamique de jeu très différente". Pour Sophie Marceau, l'une des difficultés a été, en plus du rôle de composition, la déconstruction physique de son personnage. Quant à Miou-Miou, il lui a fallu apprendre une grande quantité de texte, et elle a davantage travaillé en solitaire. L'interventionnisme du cinéaste, très précis et très directif pendant le tournage, a opéré la réunion de ces deux comédiennes dans des rôles au sein desquels on ne les aurait pas forcément imaginées.
L'actrice confie avoir été très intéressée par le film à la lecture du scénario : "J’ai été séduite par la crudité, la musicalité des dialogues et l’apparente simplicité de mon personnage". Elle n'avait alors pas lu le roman de Jean Teulé ou visionné La Journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld. Arrêtez-moi est un film dans lequel elle s'est énormément impliquée. En atteste l'expérience avec le dispositif de filmage de plus de 8 kg fixé sur sa tête lors des séquences tournées selon son point de vue.
Pour Jean-Paul Lilienfeld, si le personnage de Sophie Marceau, qui, victime de la violence de son mari pendant des années avant de l'assassiner, se dénonce, c'est quelque part pour se révéler à la société en tant que victime.
Le réalisateur Jean-Paul Lilienfeld a dû trouver des alternatives cinématographiques au confinement du huis-clos dans le commissariat. Il a choisi, pour cela, d'intégrer un plus grand nombre de flashback (ayant trait au quotidien du personnage joué par Sophie Marceau) que dans le roman. De plus, les scènes à l'intérieur du commissariat se sont beaucoup articulées autour des mouvements des personnages, avec une confrontation des deux femmes assez physique dans son traitement à l'écran.
Dans le livre de Jean Teulé, le policier qui interroge la femme venue se dénoncer pour le meurtre de son mari est un homme. Dans le film, il s'agit donc d'une femme, interprétée par Miou-Miou, ce qui, selon le cinéaste, change les rapports entre les personnages : "Faire de Pontoise un personnage féminin me permettait de rejoindre le thème du film à travers l’autre personnage principal", explique Jean-Paul Lilienfeld.
Miou-Miou est une grande connaisseuse de la littérature de Jean Teulé, son compagnon à la ville. L'intérêt de la comédienne pour le rôle du policier s'est manifesté assez tôt : "Au cours d’une conversation avec Jean-Paul Lilienfeld, l’idée est revenue et a emballé tout le monde", raconte-t-elle, avant d'ajouter : "J’ai adoré travailler sur des répliques qui, à l’origine, étaient celles d’un homme : j’avais déjà connu cette expérience sur [un] téléfilm (...) où le rôle était destiné à Bernard Giraudeau. La couleur et l’éclairage de mots, dits par une femme, prennent une autre dimension et c’est passionnant à jouer."
Le réalisateur d'Arrêtez-moi précise qu'il a tenu à traiter d'une classe populaire, vivant dans les HLM, en évitant scrupuleusement les stéréotypes. En effet, l'enjeu pour Jean-Paul Lilienfeld n'était pas de stigmatiser cette catégorie, mais bien de dépeindre un contexte qui corresponde à la substance des personnages : "Il ne s’agit absolument pas de prétendre que c’est dans les HLM que les femmes subissent la plus grande violence", souligne la comédienne Sophie Marceau.
L'acquisition des droits du roman de Jean Teulé a été un vrai parcours du combattant pour le réalisateur Jean-Paul Lilienfeld, qui a duré près d'un an (changement de producteur, perte des droits, etc.) !