La caméra subjective, ça donne le tournis. Et pas le gentil tournis des manèges pour enfants, celui des secousses violentes, à vous rendre malade. C'est le moyen choisi par Jean-Paul Lilienfeld pour frapper le public. La caméra fixée sur la tête de Sophie Marceau vous met aux premières loges des coups portés par le mari. Un coup de trop et le mari tombe par la fenêtre. Poussé. Dix ans plus tard, la victime, coupable ignorée, entre dans un commissariat pour se dénoncer. Mais c'est Miou-Miou qui l'accueille, le lieutenant Pontoise, et cette coupable, elle n'en veut pas. Commence alors un jeu étrange et surréaliste, « Arrêtez-moi » supplie l'une, « Partez » implore l'autre pendant que l'heure avance inexorablement vers la prescription définitive et irrévocable. Le spectateur, balloté par la caméra subjective lors des flash-backs, espère trouver un peu de répit dans la nuit de ce commissariat presque vide. Mais non, là encore, il y a lutte, verbale et physique et on ne sait trop sur quel pied danser. On est heurté par le manque de compassion de Pontoise, est-elle obligée de manquer de douceur face à une femme qui en a déjà tellement manqué ? Mais a-t-on pour autant envie de consoler cette victime ? La complexité des personnages fait osciller le besoin d'identification du spectateur, un coup l'une, un coup l'autre. Le sort d'aucune de ces deux femmes n'est enviable et pourtant, en chacune d'elle il y a de la lumière. Et chacune d'elle tente de la faire jaillir au cœur de l'obscurité dans ce commissariat sinistre. Pontoise, femme et flic blasée a une sorte de dérision qui nous fait parfois éclater de rire, tant son regard sur l'existence est désopilant et ses répliques inattendues. La coupable, la victime, tente de rassembler les bribes de ce qu'il y a, quand même, de bon dans son existence en un plaidoyer maladroit et bancal comme pour dire « vous voyez que ma vie en vaut la peine, un peu ». Il s'agit d'un baroud d'honneur, de deux en fait, celui, prémédité de Sophie Marceau qui veut être coupable pour être victime et celui opportuniste de Miou Miou Pontoise qui veut se souvenir qu'elle a peut-être un jour été autre chose qu'une flic usée. Il n'y a pas de bons sentiments chez ces personnages, mais certainement du cœur, caché sous les grosses pierres. Le cœur au sens du courage, celui qu'on met nécessairement à l'ouvrage, quand on s'engage sur le chemin parfois très long qui mène à notre propre dignité.