N'ayant pas grande envie d'aller ce voir ce film dont je connaissais par beaucoup l'histoire (infos, presse, interviews, reportages..., et la manif de Février, j'y étais, ça caillait sec !), et ne voulant pas être voyeuriste ou trop redondante dans "ma connaissance",j'y suis allée malgré tout, "poussée" par un proche pour l'y accompagnant. Ok.
Mais grosse déception !
La majorité des spectateurs se rendant au ciné doivent certainement connaître peu ou prou l'histoire et le calvaire du jeune Ilan Halimi. Dans ces conditions, il aurait fallu leur (me) proposer un film avec soit une certaine hauteur de vue, soit une narration de qualité. Hélas, cela n'a pas été le cas.
Ici, et même si le point de vue adopté est celui de la mère du supplicié, on est plutôt au niveau d'un téléfilm. La simplicité voire la banalité de cette femme française de la classe moyenne poussée au-devant du pire fait-divers pour une mère juive, aurait pu mériter que son témoignage apparaisse avec plus d'ampleur ou de finesse qu'il n'a été.
Mais Zabou-Ruth semblait dérouler le fil des événements "comme ils s'étaient présentés" à elle au 1er dégré, dans une platitude déconcertante, en lâchant quelques mots liés à des idées de temps en temps, sans que le réalisateur n'en fasse grand chose. Il y a à l'évidence, un manque d'exploitation du sujet pris volontairement par Alexandre Arcady : le témoignage de la mère. Moi, je l'ai très peu vue témoigner véritablement, si ce n'est de sa douleur et de sa soumission aux avis policiers ou maritaux. Aucune véritable réflexion ou discussion à la maison, pas de partage, de construction, d'évolution de pensées ?
alors que son intuition tue ou étouffée, puis son basculement au moment de l'émission du la 1ère sourate du Coran au tel, lui avait bien fait tout comprendre de cette mort annoncée ainsi.
Ou alors, pas assez de pensées off. Mais pourquoi ? Quel gâchis !
Heureusement que le témoignage de la mère a été un peu zébré des apparitions des Barbares-Pieds nickelés cupides & décérébrés (il en aurait fallu plus). Sinon, on se serait endormi.
On regrettera en outre le jeu inégal des acteurs. En effet, Zabou joue tout en retenue la mère-courage, avec la dignité qu'elle se devait mais plus du tout "vrai" dans la scène de l'annonce de l'enlèvement par exemple (où l'hystérie de la famille est bien vue, en revanche). Je tairai certains effets comme les ralentis de ses réactions pour rajouter la couche de pathos nécessaire (dans les 2 sens du terme). Oui mais bof bof.
Le père Halimi-Elbé est excellent : de la profondeur & de la retenue pure. Le flic adjoint excellent aussi, et plutôt bon l'acteur de l'affreux Fofana, psychopathe éructeur. En revanche, qu'est-il arrivé à la psy Testut (je j'apprécie depuis "Karnaval") qui joue la madame intelligente qu'est un peu débile/aveugle/sourde, qu'a raison mais totalement tort, et que personne ne contredit ? On dirait qu'elle n'y croit pas elle-même. Ben oui, après un moment, son ton ou sa conviction n'est plus vraiment crédible. Et le commissaire Gamblin qui semble débuter ou frappé d'une légère aphasie du cerveau !
Et puis les pleurs et les pleurs ! Oui, il en fallait car il y en a eu mais on veut y croire un peu, quand même.
Quant au choix de l'athlétique voire musculeux Shahidi (le bien nomme)-Ilan qui au moment de sa terrible agonie, semble sortir d'un entraînement pour les jeux olympiques, alors qu'il n'a pas été nourri pendant 2 semaines (!!!) par ses bourreaux, il semble plus que douteux. Eh oui, n'est pas DeNiro-LaMotta qui avait perdu 30 kg pour tourner "Raging bull", qui veut ! Qui a fait le casting et a resservi des nouilles à Shahidi-Ilan ? La cantine était trop bonne et la salle de sport trop proche ?
Dans ces conditions, la 1ère partie du film est hyper chiante, pardon, soporifique, pénible, où l'on voit bien trop longuement le quotidien banal de cette petite famille juive parisienne, constituant une série de scènes & plans dont il aurait fallu couper quelques unes au montage, ou à toutes de nombreuses secondes inutiles et ralentisseuses.
Mais la dernière partie du film est plus tendue, plus serrée, plus "policière" où l'action et les petits flashbacks donnent un peu de tenue à l'ensemble. La dernière scène est aussi celle où la mère-Zabou témoigne des lettres de soutien qu'elle a reçues d'Arabes, de Noirs et de parents anonymes qui l'ont accompagnée dans son deuil. Et rien que ce fait relayé ici contrebalance l'idée stupide que ce film serait communautaire ou manichéen.
Au fait, est-il volontaire que les noms des 29 accusés dans cette affaire apparaissent si brièvement à l'écran qu'on ne puisse les lire ?
Certes, ce n'est pas un bon film mais à l'installation des spectateurs dans le Gaumont Opéra, la salle était pleine à craquer et bruyante mais on a entendu une mouche voler pendant toute la projection et des reniflements retenus à la fin. Tout le monde s'est levé pour quitter la salle dans un silence de mort et des gestes lents, les uns la tête baissée, les autres essuyant leurs yeux. Juifs (majoritaires), Blacks, Blancs, Beurs. Oui, tous étaient touchés.