Avec Il était une fois en Amérique, Sergio Leone signe une œuvre monumentale, un testament cinématographique qui transcende le temps, les genres et les conventions. Ce film n'est pas simplement une saga criminelle ; c'est une exploration intransigeante de l'âme humaine, tissée avec la minutie d'un maître artisan. Portée par des performances bouleversantes, une narration complexe et une esthétique visuelle époustouflante, cette fresque sur la mémoire, la trahison et l'obsession est l'un des piliers du cinéma mondial.
Leone manipule le temps comme un peintre mélange ses couleurs. À travers des allers-retours entre les années 1920, 1930 et 1960, il déconstruit la linéarité pour tisser un récit où chaque scène est une pièce essentielle d’un puzzle émotionnel. Cette structure non linéaire reflète les souvenirs fragmentés de Noodles, magnifiquement interprété par Robert De Niro, et nous plonge dans son univers introspectif. L'histoire oscille entre l’innocence perdue de l’enfance et les désillusions cruelles de l’âge adulte, dressant un portrait brutal mais sincère des ambitions humaines.
Au cœur de cette épopée, l'amitié tumultueuse entre Noodles et Max (incarné par un James Woods magistral) est le moteur du récit. Max, figure magnétique et impitoyable, incarne l’ambition dévorante, tandis que Noodles est rongé par le poids des regrets et des choix irrévocables. Leur dynamique est le reflet des contradictions humaines : loyauté et trahison, amour et violence, désir et perte. Deborah, jouée par Elizabeth McGovern, est à la fois un rêve inaccessible et une ancre émotionnelle, tandis que les personnages secondaires enrichissent le tableau avec des nuances subtiles.
Chaque plan de Il était une fois en Amérique est une œuvre d'art en soi. La caméra de Tonino Delli Colli capte avec une précision et une poésie inégalées les ruelles sombres des ghettos new-yorkais, les intérieurs somptueux et les paysages qui semblent suspendus hors du temps. Leone mêle une intimité poignante à une ampleur épique, créant des séquences qui marquent à jamais la mémoire du spectateur. Qu'il s'agisse d'une simple conversation ou d'une scène de violence brutale, chaque moment est imprégné d'une intensité viscérale.
La musique d'Ennio Morricone élève le film à des sommets inaccessibles. Son utilisation du thème de Deborah ou de la mélodie envoûtante de la flûte de pan transcende les images, ajoutant une dimension émotionnelle qui touche l’âme. Chaque note semble émaner directement des personnages, exprimant ce que les mots ne peuvent dire. Cette fusion parfaite entre image et son crée une expérience sensorielle unique.
Le film ne cherche jamais à flatter ou à réconforter. Il expose la brutalité de la vie, les blessures de l’âme et les complexités des relations humaines avec une honnêteté troublante. Les scènes de violence, souvent difficiles à regarder, ne sont jamais gratuites ; elles servent un propos plus vaste sur la nature humaine, sur les cycles de destruction et de rédemption.
Bien que profondément enraciné dans l'histoire américaine, Il était une fois en Amérique transcende son contexte pour aborder des thèmes universels : la fragilité de la mémoire, le poids des regrets et la quête éternelle de sens. La fin, volontairement ambiguë, laisse le spectateur méditer sur les choix de Noodles et sur la nature de son existence, ajoutant une couche supplémentaire de profondeur à un film déjà riche en symbolisme.
Malgré un accueil initial mitigé aux États-Unis en raison d’un montage tronqué, la version originale de Leone s’est imposée comme un chef-d’œuvre incontesté. Aujourd’hui, Il était une fois en Amérique figure parmi les œuvres les plus acclamées du cinéma, souvent comparée à Le Parrain pour sa portée et son ambition, mais avec une identité qui lui est propre.
Il était une fois en Amérique n'est pas simplement un film, c'est une expérience qui transcende les limites de la narration cinématographique. Sergio Leone a créé une œuvre qui défie le temps et invite chaque spectateur à plonger dans les méandres de la mémoire, de l’amitié et des rêves brisés. Chaque visionnage révèle de nouvelles couches de signification, solidifiant son statut de pierre angulaire du cinéma.