Oui, ce n’est que mi-novembre que je suis allé voir en salle ce « Miss Peregrine », alors que celui-ci était sorti depuis le 5 octobre… C’est dire si j’étais motivé ! Mais bon, face à l’enthousiasme de l’ami DanielOceanAndCo, j’avoue que j’ai fini par culpabiliser d’ignorer ainsi Tim Burton, ce réalisateur qui m’avait pourtant tant apporté par le passé… Alors j’y suis allé voir ce « Miss Peregrine », et je me suis efforcé d’effacer de mon esprit tous les « Dark Shadows », « Big Eyes » ou autres « Alice »… Et grand bien m’en a pris parce que, je dois bien l’avouer, dans un premier temps, j’étais plutôt réceptif au spectacle proposé. Premier point positif en effet : c’est beau. Mais c’est vraiment beau. Bien cadré, bien photographié, bien monté... Il y avait dans cette introduction quelque-chose de propre formellement et, c’est tellement rare de nos jours, que ça méritait déjà d’être signalé. Autre point positif, on sent qu’on n’a pas à faire non plus à un yes-man dans la manière d’amorcer l’intrigue. Pas de money-shot au bout de cinq minutes ; pas de déluge numérique pour commencer : tous les effets sont mesurés, au service de l’intrigue et de l’univers, et ça aussi c’est bien trop rare aujourd’hui dans un film fantastique pour ne pas faire du bien… Bref, tout s’annonçait pour le mieux, j’étais prêt pour me laisser emporter par la magie de cet univers… et pourtant il ne s’est rien passé me concernant. Pas de décollage, pas d’émotion : rien. A dire vrai, j’ai eu du mal à comprendre pourquoi je ne suis pas du tout rentré dans ce film là, parce que là, pour le coup, la plupart des griefs que je pouvais faire ces derniers temps à Tim Burton n’étaient pas là. Pas de surjeu (bon, un peu à l’introduction du personnage de Miss Peregrine, qui fait son Johnny Depp féminin, mais heureusement ça passe très vite), pas de danse absurde gratuite non plus, pas de repompée sans génie de ses précédents univers… Pour être honnête, il y avait même dans ce film beaucoup d’idées visuelles et narratives intéressantes qui pouvaient clairement aboutir à la mise en place d’un univers original et riche, tout comme il pouvait alimenter une très belle aventure fantastique… Seulement voilà, c’est là pour moi que le bas a blessé. Tous les matériaux étaient certes réunis, mais il manquait le liant final pour durcir le mortier. Et ce liant, c’était l’intrigue qui aurait dû le faire. Avec une belle intrigue, solide, dynamique et dotée d’un propos significatif, je pense que « Miss Peregrine » aurait pu être un très bon film – mieux encore ! – un très bon Burton. Mais bon, visiblement c’est ça que le grand Tim a de cassé en lui. Il n’a plus rien à raconter ; plus rien à dire. L’ossature sur laquelle repose tout ce patchwork de bonnes idées est bien trop fragile pour donner vie à la bête. Parce qu’au fond, que nous raconte cette « Miss Peregrine » si ce n’est une banale histoire de gentils qui veulent se sauver de méchants et qui vont être aidés pour cela par un personnage lambda qui, par son action, va se révéler à lui-même et qui va même trouver au bout de sa quête l’ultime récompense qui est – ô surprise ! –
l’amour
? Ouais, clairement, ce film nous réduit son intrigue à ça… Et c’est triste ! Le pire c’est qu’au départ, Burton lance des pistes intéressantes comme cette idée que les récits du grand-père seraient une métaphore fantastique d’une réalité moins enjouée mais toute aussi riche d’enseignement… Pour le coup, il y avait un petit côté « Big Fish » qui moi me bottait bien… Mais bon, à croire que Tim Burton n’a plus le feeling. Il ne se rend même plus compte que ce qu’il raconte est creux ; qu’il ne transmet plus rien. Les quelques fils qu’il tisse, il les oublie en cours de route, passant sans cesse à autre chose. D’ailleurs son univers visuel traduit un peu ça. On passe de « l’Orphelinat », puis on dérive vers « X-Men », puis on retourne vers du « Harry Potter » : tout ça essaye de s’agglomérer mais sans vraiment trouver d’unité dans l’atmosphère et dans le ton. Syndrome d’ailleurs de ce patchwork raté : la musique. Lourdasse comme jamais, elle fait perdre toute la nuance et ambiguïté qui, parfois, aurait pu se dégager de certains bons moments… Parce que oui, en plus c’est ça qui est triste : il y a des moments dans ce film que j’ai trouvé vraiment bons comme
les scènes d’exploration sous-marine (avec mention pour la première scène sous-marine pour le coup très riche de sous-entendus et ambiguïté comme je les aime), ou bien encore cette bataille de squelettes à la Ray Harryhausen que j’ai vraiment trouvé visuellement intéressante, fraîche et bien foutue
. Mais bon, malheureusement, tout ça est noyé dans un rythme poussif, étrillé par une intrigue qui ne sait clairement pas où elle va D’ailleurs, comme une morbide illustration de ce manque total d’inspiration et de propos – la cohérence de l’intrigue et de l’univers ne cesse de se déliter au fur et à mesure qu’elle avance vers son final, oubliant même de résoudre ou d’expliciter des éléments pourtant fondamentaux. (Quelques exemples pour ceux qui me trouveraient de mauvaise foi :
ce mystère de Victor qu’on introduit et qu’on ne résout finalement jamais ; le fonctionnement incompréhensible de ces boucles de temps pour lesquelles on nous rajoute des règles en permanence sans qu’on prenne le temps de clairement nous les expliquer ; ces chaussures lestées d’Emma qui sont perdues dans l’explosion du manoir, obligeant Jack a la tirer à la corde sur la plage, mais qui réapparaissent à Blackpool comme par magie ; ce paquebot qu’on dit torpillé par un sous-marin allemand lors de la Première guerre mondiale mais qu’il suffit de gonfler d’air pour le remettre à flot et faire en sorte qu’il ne coule plus à nouveau ; ces boucles dont on nous dit qu’elles peuvent se trouver partout, jusqu’à une entrée de métro londonien alors que deux minutes avant une carte nous montrait qu’il n’y avait que deux boucles présentes au Royaume-Uni, celle du Pays-de-Galles et celle de Blackpool ; ces policiers qui investissent le pier après la grosse bagarre à coup de squelettes mais qui ont totalement disparu dix minutes après quand le grand méchant soit enfin mort ; ajoutons d’ailleurs à cela ces trois ou quatre moment où Jack à l’opportunité de tuer Barron sans difficulté… mais qu’il ne saisit pas parce que l’intrigue en a décidé autrement ; le fait que Jack passe par une douzaine de boucles pour retrouver la trace du bateau alors qu’en toute logique, il devait certainement encore être là en 2016, à quai, avec ses passagers, lorsque ledit Jack est sorti du train fantôme de Blackpool ; et enfin, le fait qu’on nous explique en trois secondes à la va-vite pourquoi tuer Barron a le pouvoir de ressusciter le grand-père de Jack… C’est peut-être logique, mais bon, pour moi ça méritait peut-être qu’on s’y attarde un petit peu plus our qu’on puisse comprendre comment et pourquoi…
) Bref, c’est triste, mais – encore une fois – juste parce que l’histoire ne tenait pas, eh bien ce film, il m’a globalement laissé ni chaud ni froid. Et j’insiste une fois de plus : mais dommage quoi ! D’ailleurs, je ne redis pas : c’est certainement le meilleur Tim Burton que j’ai vu depuis bien longtemps. Ça raviverait presque un espoir pour la suite, mais, malgré tout, je ne me fais pas d’illusions. OK, sur ce film là, l’ami Tim a su montrer une bien plus grande rigueur sur la question formelle. Seulement il lui manque encore l’essentiel pour un auteur : un propos à exprimer ; un souffle à transmettre… Cela reviendra-t-il un jour ? Personnellement, moi, je suis pessimiste. Mais qui sait ?...