Je suis un fan inconditionnel de Tim Burton et de son univers. J'ai vu tous ses films et ses premiers court-métrages ainsi que les livres où apparaissent ses dessins, uniques et directement identifiables à l'atmosphère qui règne dans ses réalisations. C'est un artiste surprenant, qui n'a pas froid aux yeux et qui prend des risques conséquents à chaque nouveau film, explorant les genres comme personne ; les films fantastiques comiques ("Beetlejuice"), et/ou poétiques ("Edward aux Mains d'argent", "Big Fish"), adaptations de BD (les "Batman"), la biopic ("Ed Wood"), la science-fiction ("Mars Attacks!", "La planète des singes"), le film d'horreur ("Sleepy Hollow"), le remake ("Charlie et la chocolaterie"), le film d'animation ("Les noces funèbres", "Frankenweenie"), la comédie musicale ("Sweeney Todd"), la réinvention d'un Disney ("Alice au pays des merveilles") et le drame ("Big Eyes")... Il s'y risque et finit toujours par nous emballer et nous convaincre grâce à sa patte unique et touchante, où le glauque pointe toujours le bout de son nez, mais constamment entremêlé d'humour. Très souvent entouré de la même équipe, que ce soit Johnny Depp ou Helena Bonham Carter devant la caméra, ou encore Danny Elfman à la musique ou encore Colleen Atwood aux costumes, il y a quelque de chose de particulier qui émane de ses films, entre conte et mystère, entre loufoquerie et humour noir, entre enfantin et effrayant. Un monde à part, barré mais extrêmement sécurisant et agréable. Cependant, il est encore difficile de mettre des mots précis sur mon ressenti mais c'est assez similaire avec mon impression de "Dark Shadows" qui regroupaient tous les éléments précédemment cités mais qui semblaient s'éloigner de l'origine même de Burton... Comme si ça lui appartenait plus et que les producteurs se servaient de son génie pour en faire un blockbuster commercial, telle une nature dénaturée, vide. J'avais encore trouvé intérêt à "Dark Shadows" qui mettait en tête d'affiche un Johnny Depp hilarant et décalé mais j'ai eu énormément de mal avec "Miss Peregrine". Le fait que ce soit l'adaptation d'un roman fantastique dessert totalement l'imaginaire de Tim Burton ; on pourrait assimiler « Miss Peregrine » à un réalisateur inconnu, lambda car le résultat n'est pas mémorable. L'histoire est alambiquée dans sa temporalité et retranscrire à l'écran ce qui doit être fascinant à lire rend le tout franchement peu alléchant. Le cœur de l'intrigue prend bien une demie-heure avant d'arriver ; le mise en place ne ressemble à rien. L'image et le montage sont moche tels un vieux film télé et c'est très long, tout ça pour traduire le mal-être d'un jeune ado en quête de réponses sur la véritable histoire de son grand-père. Néanmoins, ce détail m'a rappelé vaguement l'intrigue de "Big Fish", avec la dose d'émotions et de poésie en moins. Et quand Miss Peregrine arrive, on reconnaît la veine Burton ponctuellement, par le biais d'images qui donnent un genre très particulier au film. Ces images sont essentiellement dues aux costumes, très réussis et montrant l'âme de Burton qui ne résonne malheureusement nullement de façon globale. On reconnaît son esthétique notamment grâce à des scènes en stop motion, rappelant ses vieux films fantastiques mais elles sont écrasées par des images numériques gâchant tout ce clin d’œil nostalgique. Le design des Sépulcreux (les gros méchants de l'histoire) est dégueulasse et sans doute trop facile, manquant d'originalité, et fait contraste avec le film et tout l'univers de Burton ; je n'ai personnellement pas du tout apprécié et cette scène finale dans la fête foraine, sensée être épique, est ratée. On apprécie la présence d'Eva Green, je dis bien présence car son rôle est monochrome, manquant cruellement de nuances. Elle était beaucoup plus déjanté dans « Dark Shadows ». Les nombreux rôles d'enfants et leurs interprètes, quant à eux, ne marquent pas les esprits et leurs particularité rappelle la bonne vieille école du professeur Charles Xavier dans « X-Men ». Bref, que d'originalité, que d'ennui... Seule la jeune Ella Purnell, douce et envoûtante, s'en sort particulièrement bien et ses scènes sont très belles. On sent la tentative de faire retentir, grâce au personnage interprété par Samuel L. Jackson, l'humour coquin et efficace du réalisateur. Certes, la scène du bateau est impressionnante mais j'attendais autre chose de la part de Tim Burton, ça ne lui ressemble pas car ça ressemble trop à ce qu'on voit tout le temps ! Du coup, j'ai trouvé "Miss Peregrine" anecdotique et fatalement ennuyeux. J'aurais adoré être envoûté et charmé une nouvelle fois par l'imaginaire de Burton mais il se montre ici effacé, comme endormi. Sûrement que cette quête intime d'un adolescent m'aurait beaucoup plu si le réalisateur n'était pas Tim Burton. Avec ce film, c'est comme si Tim Burton nous avouait clairement que son temps fort reste dans le passé, à l'image de ses enfants particuliers qui revivent la même journée indéfiniment, et que le présent est un chaos, dévasté par la rude loi des producteurs, saccageant son génie...