Considéré comme l’un des « 3 C », avec Carpenter et Cronenberg à ses côtés, Wes Craven est le papa de Freddy Krueger, un artisan de qualité dans « The Twilight Zone » et également le créateur du célèbre Ghostface. En donnant un nouveau souffle au slasher, il a porté la saga Scream dans une relecture méta du genre horrifique, dont ses personnages s’approprient et assimilent, avec un sens ludique. De la final girl aux codes du cinéphile, le cinéaste s’est amusé à renverser ces éléments attendus, pour surfer sur un autre type de suspense et d’effroi, tout en injectant la notion d’un profond mal-être du survivant, comme une forme de solitude. Après quatre épisodes signés de sa main, ce sont les réalisateurs du récent et furieux « Wedding Nightmare » qui reprennent le flambeau. Mais où Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett situent donc leur récit ? Pas de chiffre symbolique à l’affiche, pas d’idée de remake ou de reboot à l’horizon. L’extrait promotionnel « Tonight with Gale Weathers » laisse ainsi croire que nous resterons intimement liés aux origines, comme en témoigne le trio vedette, qui rempile une fois de plus et une fois de trop.
Sidney (Neve Campbell), Gale (Courteney Cox) et Dewey (David Arquette) reviendront à Woodsboro, pour peut-être conjurer la malédiction du Ghostface une fois pour toute. Et quand bien même, ce ne sont plus les cadors d’une franchise orpheline, le scénariste Kevin Williamson a également quitté le bord, certains d’entre eux peuvent encore jouir d’une bonne excuse dans ce retour aux sources. Hélas, cela en fait également une limite évidente, qui émiette, tout au long d’un trajet périlleux, un discours méta-guignol sur le cinéma d’horreur à l’heure du jour, embourbé dans ses propriétés intellectuelles, dont la saga « Halloween », cité à raison, mais singé à tort, car a su tirer parti de ce constat pour s’offrir une continuité. Ici, rien n’avance. On régresse simplement, le temps de quelques taillades et de mises à mort inoffensives. En ramant si proche des frontières du volet d’origine, les cinéastes se brûlent les ailes dans ce tour de jeu, qu’ils estiment plus malin, arrogant et provocateur. Pourtant, rien d’exceptionnel sera au rendez-vous, car l’intrigue ne fait qu’esquiver l’identité du, voire des tueurs masqués.
Ce qui ressemble à une farce sous-entend toutefois une forme de cynisme garanti, au détour d’un hommage mortel et sincère des techniciens. Ce sera au prix d’une efficacité qui se perd, étourdie par son faux intérêt pour les jump scare derrière la porte. Le film ne fait que répéter les erreurs qu’il dénonce, pas comme un certain « Matrix Resurrections » l’a fait, mais comme des fans, qui n’interrogent pas plus que ça l’aspect toxique, qui a des teints sur ce « Scream 5 ». En n’assumant pas son identité, en ne souhaitant pas forcément de recoller au fil rouge des survivors, si ce n’est pour les remettre à genou devant un échec évident, le film se contente de flotter dans une atmosphère paresseuse et soporifique, où les seuls instants vibrants seront lorsque le portable sonnera soudainement. Il n’y avait pourtant rien à attendre, alors que les deux sœurs Tara (Jenna Ortega) et Sam Carpenter (Melissa Barrera) se démènent pour exister dans cet univers bancal et sans le frisson qu’on lui a autrefois associé.
La série de 2015 au voulu profiter de la dynamique nostalgique et surligner un peu plus les codes du slasher pour la transmettre à des spectateurs, qui ne jureraient que par l’elevated horror. On reviendra de nouveau sur ce point, qui ne prend pourtant pas la peine de comprendre son essence et préférera citer Jordan Peele et M. Night Shyamalan, comme si ce sous-genre relevait d’une modernité récemment acquise par Hollywood. Que nenni. Nous pouvons remonter d’un siècle, tout en sondant un héritage, prématurément enterré. « Scream » reste une révolution dans sa propre bulle de réflexion et ce dernier volet s’engage maladroitement dans un sujet qu’il ne connaît pas assez pour le discuter, ou pire, pour l’entacher de son ressort intellectuel adolescent.