Après deux chefs-d’œuvre, le meilleur moyen pour Sergio Leone de réalisé un nouveau western mettant en scène l’Homme sans nom sans se répéter était d’offrir une histoire de plus grande ampleur. Ainsi, Le Bon, la brute et le truand, le dernier volet de cette trilogie, associe la petite histoire à la grande. Dans la première moitié du film, l’Histoire des États-Unis ne reste qu’une toile de fond et la narration s’axe essentiellement autour de Blondin (le bon, pas si bon que ça tout de même) et de Tuco (le truand), laissant en retrait le troisième personnage évoqué par le titre, Sentenza (la brute). Mais la seconde partie offre une plus grande ampleur à cette histoire
en plongeant nos trois protagonistes en pleine Guerre de Sécession (plus de 1500 figurants)
. Si le cinéaste traite toujours son récit avec l’ironie habituelle et des répliques savoureuses ("Quel ingratitude quand j’pense au nombre de fois où j’t’ai sauvé la vie", "Quand on tire, on raconte pas sa vie", "Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses !"), il ne se moque pas pour autant de la boucherie qu’a représenté la Guerre civile américaine ("J’avais encore jamais vu crever autant de monde").
D’un point de vue narratif, l’histoire est donc plus touffue que les précédentes (on pourrait même lui reprocher quelques raccourcis narratifs parfois complétés par la version longue) et le duo Blondin-Tuco est savoureux. Il est dur de pas sourire devant les trahisons que les deux comparses se font à longueur de film surtout quand la victime en est Tuco. En effet, Eli Wallach est inoubliable dans ce rôle de crapule assez minable mais qui peut se révéler parfois touchante
(les retrouvailles avec son frère et la description qu’il en fait à Blondin)
et arrive même à voler la vedette à un Clint Eastwood pourtant toujours impeccable dans ce rôle
(et pas si invulnérable puisqu’il ne doit, à deux reprises, sa survie qu’au hasard)
. Lee Van Cleef est également parfait dans ce rôle à l’opposé de celui du colonel Mortimer mais possède un temps de présence très inférieur à celui des deux autres. Pour ce qui est des interprètes, on peut noter à nouveau la présence de Mario Brega (présent dans toute la trilogie mais aussi dans Il était une fois en Amérique et les quatre productions de Leone que sont Mon nom est Personne, Un génie, deux associés, une cloche, Qui a tué le chat ? et Un jouet dangereux), Luigi Pistilli (un des membres du clan de l’Indien dans Et pour quelques dollars de plus), Antonio Molino Rojo (qui se trouve dans toute le trilogie et Il était une fois dans l’Ouest), Lorenzo Robledo (à l’affiche de toute le trilogie et d’Il était une fois dans l’Ouest), Benito Stefanelli (qui jouait un autre membre du clan de L’Indien dans Et pour quelques dollars de plus et sera dans Il était une fois la révolution et Un génie, deux associés, une cloche) et le jeune Antoñito Ruiz (qui donnait des informations au personnage d’Eastwood dans Et pour quelques dollars de plus et qui joue ici le fils de la première victime de Senteza).
De plus, cette fois, Leone a fait composer la musique avant le tournage, le tournage en muet typique du cinéma italien le permettant. Cette technique permet de créer une plus grande symbiose entre l’image et le son. La musique devient un des éléments de la mise en scène en étant coupée et remontée en fonction des désirs du cinéaste et surtout en étant un des éléments créant l’ambiance désirée au moment du tournage (elle est diffusée par des haut-parleurs) et sur lesquels se base le découpage et le montage.
Le duel (ou triel) final est en cela parfaitement exemplaire et reste un monument de cinéma (tout comme la découverte du cimetière rythmée par le magnifique The Ecstasy of gold).
Mais si Morricone nous offre ici une plus grande variété de thèmes, Leone a l’intelligence d’utiliser la musique avec parcimonie et de penser le son également en terme de silence. Ainsi, de très nombreuses séquences ne comportent pas de musique et joue sur les sons
(les éperons qui trahissent le gang de Tuco)
et surtout sur les silences (les deux premières séquences les travaillent beaucoup et préfigure le début d’Il était une fois dans l’Ouest).
Visuellement, Leone arrive à pousser son style encore plus loin
en atteignant son apogée dans le triel final. Désormais, les très gros plans (sur les yeux et les armes) ne peuvent plus être utilisés sans que l’on pense à ce film et à Sergio Leone même si, au final, ils ne sont véritablement utilisés que dans cette séquence
.
En résumé, Le Bon, la brute et le truand se révèle être un des plus grands westerns que le cinéma mondial ait pu produire et est un film que l’on ne peut pas oublier et qu’il faut courir voir si on ne l’a jamais regardé. D’ailleurs, son importance est telle que même si on se trouve dans ce cas, on en a obligatoirement vu un jour des extraits ou été confronté à une œuvre qu’il a inspiré (même si c’est juste dans un sketch télévisé ou un film d’étudiant).