Finalement ce qui compte, c'est le petit paquet qu'on emmène jusque sous son oreiller...
De mon côté, ce qui s'est passé, c'est un très agréable shoot du côté de quartiers interlopes par leur banalité esthétisée. J'ai vu des images qui ressemblent à des posters vintage, avec une musique cool. Des vampires sympathiquement blasés, tantôt le reflet nonchalant de l'homme de la rue, tantôt incarnation du mythe mais revu à la sauce intello.
Ces vampires-là, ils sont terribles ! Tout en étant le reflet nonchalant de l'homme de la rue, à peine rehaussé d'un goût plus prononcé pour un individualisme éclairé, ils sont néanmoins au dessus de l'homme de la rue car ils ont déjà vécu bon nombre de vies humaines en une seule longue vie de vampire, prenant naissance à plusieurs siècles de là
Humanistes par pitié ou passion, ils ont à voir avec les avancées de l'humanité sur la voie des arts ou des sciences et cela les rend à la fois vaniteux et pathétiquement blasés.
Leur handicap d'être vampires, et c'est ça la bonne idée du film, les rend proche de l'homme normal. Jim Jarmusch les compare aux humains, mais pas pour nous critiquer, plutôt pour louer la modernité des temps plus reculés.
Il les rend semblables à travers des frustrations proches. La nuit, les virées romantiques sont moins glamour qu'en plein jour. Des rues désertes accueillent leurs baladent sentimentales. Ils ne goûtent alors même pas l'éminente condition de dandy nocturne. Mais ils s'aiment.
Si lui se blase de tout, elle est le personnage qui, grâce à l'amour qu'elle veut incarner, raccroche l'humain a son originalité humanité. Car leur plus gros handicap, c'est ce que leur a laissé leur vie interminable en héritage terrestre : le désespoir envers les humains.
C'est pas facile pour un film d'aborder le thème de la post-modernité. Comment Jarmusch s'en sort-il ? Il prête à son vampire mâle les dangers majeurs de notre époque : narcissisme et égocentrisme. A moins qu'il ne s'agisse de désabusement sincère. A Eve, il donne la pugnacité. Ainsi il crée une tension romantique qui soulage a chaque instant le spectateur du constat pourtant évoqué avec peu d'opiniâtreté. Mieux que soulager, elle irradie de bons moments, où la vie suit son cours, où la conscience est continuellement en éveil sous les sens désabusés. C'est ce que j'ai bien apprécié au niveau du scénario, qui met finalement en avant le temps, le Temps et tous les temps possibles. Il creuse l'idée que la vie personnelle et La vie se rencontrent au point où le temps les a dévasté toutes deux, et que c'est ici et maintenant que ça se joue, hors du temps.
La caméra fixe des corps désenchantés dans une balade enchantée.