Quoi que l'on pense, Abdelatif Kechiche est et restera une figure du cinéma, de l'époque, tout comme de son temps pour qui verra la nuance.
Mektoub my Love débute sur une double citations, avec en accord, une thématique, en quelque sorte. La lumière, est comme toujours avec ce cinéaste celle du corps, à vif, brut, une captation de sa splendeur qui prend tout son poids dans ce film-ci, une hypnose de 3 heures. A l'instar de Pialat, très différent cependant à bien des registres, Abdelatif Kechiche creuse à l'aide de sa caméra ses instants de vie, de vérité, n'y appose aucun jugement, aucune croyance, il livre une ode à la découverte, aux pluriels, aussi peu fin soit-il. Quand au méthode, je ne serai quoi dire ...
Mektoub my Love : Canto Uno est truffé des scènes longues, étirées au possible, ou les conversations reviennent et se répètent à l'infini mais à aucun moment ne perd sens et corps, une fois de plus avec sa rythmique, son osmose de temps et de cadre qui narre aussi au travers du sous texte une histoire de différence, d'exil, par la force des choses ...
Quand à nos protagonistes, ils et elles se livrent à un délice de composition. Là aussi, une habitude de cette filmographie si particulière. Ophélie Bau, Shain Boumedine, Alexia Chardard et les autres se heurtent à l'imagerie, collent au décors, deviennent des ersatz à part entière du paysage et définissent à même qu'ils le redéfinissent, les codes de cette aventure magistrale, qui le temps d'un été, donne un coup de fouet aux prémices d'une suite possible, envisageable.
Quand au livre de Bégaudeau, La Blessure la vrai, j'avoue l'avoir oublié à même le début du film ... Un partage de petites choses, ici et là, comme un regard de travers qui balaye l'ensemble, pour un autre regard posé sur une seule et même expérience.
Abdelatif Kechiche rend l'ordinaire incroyable ! Mektoub my Love, archétype le plus désinhibée de sa filmographie quadrille les saveurs de cette découverte, et livre sa folie et sa beauté un trouble ou le souffre, la passion, la déraison devienne l'intime des désirs, un champ des possibles toutefois cadenassé par un extérieur, une semi retenue.
Une beauté, plurielle, inoubliable.