S'il aurait été étonnant que l'irlandais Neil Jordan atteigne avec ce nouveau film de vampires le niveau de son iconique Interview with a vampire, et si je n'attendais rien de particulier de ce Byzantium, je reste persuadé que tout était réuni pour faire mieux. Le sex-appeal démesuré de Gemma Arterton la rend tout d'abord fascinante, même si j'ai par moments mal saisi le dessin de son personnage, oscillant entre mythologie et réalisme sans pour autant atteindre la forme de mystère sans doute recherchée. L'écriture de la "jeune" vampire jouée par Saoirse Ronan est au contraire bien plus orientée et lisible, et c'est ce personnage aux tourments mélancoliques très humains qui attise le plus intérêt et empathie. Très jolie prestation de la jeune actrice, qui s'insère donc à un duo original, déclinaison de la relation mère-fille et porteur d'un message féministe je crois inédit pour le genre. Il faut dire que le procédé n'est pas si bête : mettre en scène des créatures qui a priori cristallisent le dégoût, le rejet, puis au contraire en dévoiler peu à peu les aspects les plus sympathiques, amène inévitablement à une remise en question du ressenti de base vis à vis d'elles. Une force inhérente au genre qui suffit tout juste à compenser des idées amenées trop succinctement et des antagonistes (la Confrérie) dont le scénario se désintéresse quelque peu pour en faire des personnages trop maigres, dont on sent donc le rôle purement utilitaire et qui sont finalement inaptes à se poser en réels réceptacles émotionnels. Mais c'en est un peu tout du long ainsi ; ses bonnes idées, sa relative inspiration scénaristique, son approche souvent intelligente sans doute héritée du très (très) bon Morse, Byzantium ne sait pas les creuser à fond. Il manque aussi nettement plus d'emphase, condition à mes yeux sine qua non dans un genre où la demi-mesure ramène tout de suite le récit à son côté mythologique et son manque de consistance matérielle. Ou alors, quitte à jouer la carte de la sobriété et rejeter le baroque, il faut en abattre d'autres en même temps (mélancolie, poésie, mysticisme, horreur...), et la mise en scène esthétisante de Jordan, qui se propose d'étaler sur la table un peu tout le paquet à la fois, n'a visiblement pas la main gagnante. Son film ne trouve pas de direction véritable, proposant de bons moments hétéroclites qui ne peuvent pas vraiment se faire écho, se réfléchir, se sur-imprimer. Les cadrages dévoilent d'ailleurs très bien les émotions, mais ne les insufflent pas et sentent un peu trop l'artifice. Je ne doute pas que Byzantium puisse en convaincre beaucoup en paraissant jouer sur tous les tableaux, mais en ce moment où j'ai personnellement (et c'est assez frustrant) du mal à m'impliquer à fond dans beaucoup de longs que je vois, j'attend quelque chose d'un peu plus viscéral. Quand même un dernier point pour la narration dont, contrairement à beaucoup, je ne regrette pas les flash-backs, assez bien construits pour nous faire ressentir l'importance du passé et étirer la trame temporelle sans tomber dans des longueurs, faisant assez bien ressentir la dissolution du temps, dont l'écoulement est rendu imperceptible à ces vampires par leur immortalité. Des êtres perdus dans le non-être, dans un néant spirituel qui les condamne à errer sans fin. Même si on a vu ça bien plus (et aussi mieux) mis en avant ailleurs, ça fait toujours son petit effet. En soi agréable, Byzantium est quand même un chouïa bancal, et manque sérieusement de force à mon goût. Mais je trouve quand même malheureux que des films qualitativement très honnêtes tels que ce rejeton de Neil Jordan n'aient pas le droit à une sortie cinéma. Car si le box-office international et ses résultats décevants l'ont condamné à l'oubli en direct to dvd, je suis sûr que Byzantium aurait dans les salles obscures trouvé son public, du moins un public plus large que celui qui l'applaudit aujourd'hui.