Lee Daniels était parvenu à émouvoir, a bluffer, avec son précédent Precious. Ici, il s’attaque à d’avantage, à plus grand, incluant à son casting des acteurs chevronnés, la grande Nicole Kidman, le nouvellement prometteur Matthew McConaughey ou encore l’aléatoire John Cusack, afin d’assister celui qui se doit d’être au centre du récit, le jeune Zac Effron, l’idole des jeunettes de par sa participation au programme jeunes ados de Disney. Autant dire que le jeune homme évolue ici loin de sa niche, loin de la firme aux grandes oreilles alors que Lee Daniels s’applique sans arrêt à assombrir le destin de ses personnages. Bref, dans une Floride poisseuse, à proximité des marais infestés d’êtres mal lunés, de bestioles de cauchemar, le destin d’une famille de journalistes du cru se verra bouleversée par le retour du grand frère, employé du Miami Times, en quête d’un article remettant en cause la condamnation à mort d’un détenu et surtout par l’arrivée de la pimpante Charlotte Bless, femme fatale, correspondante du criminel derrière les barreaux.
Lee Daniels pose ses bases en filmant en sépia, rendant ses images compatibles avec l’époque, les années 60. La Floride est alors un état du sud, non complaisant avec le peuple noir, les homosexuels et les puritains. L’arrière-pays est rebutant, les mœurs discutables et la chaleur étouffante, les personnages étant quasiment en perpétuelle moiteur, cela renforçant l’aspect moite voulu par Daniels afin de mieux étouffer dans l’œuf tout courant d’air. Si le fond du récit traite d’une intrigue judiciaire somme toute assez commune, Daniels axe son film sur l’attirance sexuelle d’un petit monde aléatoire, d’un jeune beau-gosse, pour la femme mature, sur l’acte d’amour, ce n’est pas franchement le bon terme ici, en lui-même et sur l’érotisme de la situation, la femme laissant chaque fois la porte ouverte à des excitations masculines, parvenant même à faire jouir sans toucher.
Bref, tout est poisseux, collant et sexuel. Tout tourne là autour, autour d’une Nicole Kidman qui se lâche, incarnant plutôt habilement la pin-up passée de date, la nymphomane intelligente gravitant dans un milieu d’hommes qu’elle aime troubler. Côté masculin, le film ne se caractérise pas par la qualité des interprétations, outre celles de McConaughey, le seul à sortir du lot. Lee Daniles utilise le jeune Effron comme icône sexuel, le filmant souvent en slip, dénudé, belle gueule mais ayant peu de répartie, souvent errant comme un personnage hagard dans un monde auquel il ne comprend pas grand-chose. Sa naïveté aurait eu l’avantage d’être nettement mieux traitée, peut-être par un acteur, jeune lui-aussi, mais plus talentueux, plus adapté. Finalement, le méchant de l’histoire est lui aussi peu mémorable, Cusack n’étant que somme toute mal coiffé et transpirant, ne faisant pas d’effort supplémentaires pour être vraiment intéressant.
Si l’époque est bien rendue, si quelques images sont très belles, si la texture de ces mêmes images est impeccable et finalement si le récit policier promet un tant soit peu, l’on n’est vite déçu par ce film relativement primaire et sans autres ambitions que d’attiser quelques pulsions sexuelles. Lee Daniels aura trop tôt fait d’imprégner son œuvre d’atouts érotiques qu’il en aura oublié la substance narrative, à l’image d’une BO d’abord psychédélique puis finalement plate et ennuyeuse. Bref, Paperboy promettait mais ne remplit pas ses promesses, en tous cas pas l’intégralité de ses promesses. Les critiques cannoises ne se sont pas trompées et ne propulsant pas Paperboy au rang des films à voir absolument, dans le sens où ce dernier est très dispensable, malheureusement pour Daniels, un cinéaste plein d’avenir. 08/20