A côté de ça, "Dans la Brume Electrique" (2009), c'est la Petite Maison dans la Prairie !
Il faut absolument aller voir Paperboy. Parce que c'est un film comme on nous en a trop rarement servi avant. Un film que l'on regarde les yeux grands ouverts, les mains crispées sur les accoudoirs, en se demandant comment la situation des personnages a pu basculer à ce point. Car jamais la tournure des événements n'a été à ce point éloignée de ce à quoi l'on s'attendait. Plusieurs spectateurs se sont plaints de ce que les explications arrivent après les scènes auxquelles on assiste. Et alors ? N'est-ce pas agréable d'être un peu surpris pour une fois ? De ne pas être pris pour une buse, et d'avoir droit au flashback calé sur la réplique-clef, avec ralenti ?
Il serait même périlleux d'indentifier Paperboy à un genre ; si le prétexte de l'enquête évoque d'abord un polar, on lorgne assez rapidement vers le thriller avec cette affaire insoluble qui embourbe les frères idéalistes aussi sûrement que le bayou. Le film défend dès lors une thèse originale. En nous expliquant dans un premier temps que le coupable idéal peut être happé par la machine judiciaire, et condamné sans procès équitable - thème jusque-là très consensuel - on nous fait prendre conscience qu'un psychopathe au sens littéral du terme, c'est-à-dire un individu inadapté à la vie en société, qui n'est toléré que reclus dans son marais, causera forcément des dommages irréversibles s'il est rendu à la liberté. Ce qui, aux yeux des tenants de l'Ordre dans ce film, justifie déjà son emprisonnement. Ce point de vue est incarné à l'écran par la figure paternelle, directeur du journal local, qui conseille à ses fils de ne pas remuer cette histoire enfouie. Il n'est pas sans rappeler le shérif dépassé par les événements dans le très pragmatique "No Country for Old Men" (2007).
Parlons-en du casting impécable, qui fait la recette de cet excellent jambalaya. Je ne m'attarderai pas sur les performances de N. Kidman et J. Cusack, largement commentées par aiileurs. Que dire de M. Mc Conaughey, qui après s'être longtemps complu dans des comédies sentimentales à la noix, a récemment été aperçu dans "Magic Mike" (2012), où son rôle est jouissif. Dans Paperboy, s'il reste longtemps discret, voire en retrait, c'est qu'il est celui qui a le plus à cacher, comme on le devine à son visage couturé de cicatrices. Contrairement à Kidman et Cusack, qui eux se laissent entièrement gouverner par leurs instincts. On a plaisir à voir McConaughey renouer avec son côté sombre, qu'on avait pu voir lorsqu'il campait Vilmer, le sadique à la jambe robotisée de "Massacre à la Tronçonneuse - Nouvelle Génération" (1994).
On reproche à Z. Efron de faire de la figuration dans ce film. Il a pourtant prouver avec "Me & Orson Welles" (2008) qu'il était autre chose qu'un faire-valoir de comédies teenage. A bien y réfléchir, si Efron est ce garçon confus, obsédé par sa mère, viré de l'université, qui tombe amoureux et qui pleure, c'est pour que l'on puisse s'identifier à lui. C'est bien de lui que la narratrice nous parle, et son jeu sans artifice nous sert de véhicule pour pénétrer un film gluant comme une toile d'araignée, dans lequel on aurait bien du mal à se plonger sans cet indispensable personnage qui nous ouvre son coeur.
La narratrice, justement, est la dernière très bonne trouvaille du film. La chanteuse Macy Gray avec son physique, son bagout et son accent, nous transporte directement dans un univers proche de celui de Craig Brewer ("Black Snake Moan", 2006). Un univers qui vous collera encore à la peau lorsque vous quitterez la séance.