Il est loin de se retirer en ermite. À plus de 90 ans, Clint Eastwood continue d'apporter sa contribution au cinéma américain, qui a longtemps forgé sa rêverie à travers son far west solaire et lunaire. Cette personnalité l'aura ainsi transcendé, comme le prouvent ses diverses performances à l'écran et derrière la caméra. Aujourd'hui, il revient investir le dernier chapitre de sa vie, en explorant un énième chant du cygne, qui sur le papier donne envie de faire le déplacement, pour une poignée de dollars. Cependant, ce détour ne sera pas sans fausses notes et sans l'âme de ce cher Eastwood, à la recherche du repos et d'un héritage à transmettre. Le fond y est, et ce, malgré des maladresses étonnement visibles, prévisibles et éprouvantes. Le bonhomme n'a plus rien à prouver, mais son génie s'éteint sans doute à petit feu, à force de vouloir proposer des extensions anecdotiques de sa carrière, dont on ne doutera jamais de la richesse.
Il incarne ce vieux Mike Milo, champion de rodéo et dresseur de chevaux dans sa jeunesse. Mais quand il n'est plus capable de suivre la cadence des montures indomptées, il commence à brièvement faire le bilan de sa vie et de ce qui lui reste du Texas, qui l'a créé et élevé. Il l'a conquis par bien des manières et cela fait évidemment écho au metteur en scène, qui souffre de cette forte nostalgie, sans doute. Mais les pages de sa vie continuent de défiler et l'emmènent au Mexique pour le compte de son employeur, qui n'a pas plus de respect pour lui que pour l'enfant qu'il cherche à rapatrier. C'est donc parti pour un road-trip, semble-t-il introspectif. Hélas, il faudra patienter le temps de retrouver la petite canaille, dont on vante la détresse, mais aussi la férocité. En somme, on a envoyé le retraité dompter le seul être qu'il a fui, à raison.
Mais les pirouettes scénaristiques s'accumulent et l'enfant lui tombe sur les pattes, sans que l'on ait le temps de brosser le portrait d'une cité urbaine mexicaine. Il faudra croire que les jeux illégaux, la débauche et les autorités corrompus seront au cœur de cette approche, trop unilatérale. Une rencontre avec Rafael, dont le comédien Eduardo Minett interprète mal cet adolescent mal dans sa peau et mal dans son environnement, résonne alors avec une absurde contradiction. Il n’est ni à sauver ni à repousser, car il glisse dans la même galère que son mentor de fortune. Le scénario y est pour quelque chose, aussi maigre soit-il, mais il y avait sans doute mieux à explorer dans les écrits de N. Richard Nash. La tension ne présente aucun atout, car tout est constamment désamorcé par un manque de nuances, ou pire, de cohérences. Il faudra s’attarder un instant sur la caricature des deux femmes du récit, Leta (Fernanda Urrejola) et Marta (Natalia Traven), pour comprendre que la justesse est au repos.
Si « Cry Macho » se la joue un tantinet ludique, il n’efface pas toutes ses esquisses, celle d’une romance ou celle d’une amitié, qui se boucle en une poignée de dialogues. Cela ne veut pas dire pour autant qu’Eastwood délaisse un certain regard contemplatif et chaleureux, vis-à-vis des relations entre les personnages, mais jamais il ne parvient à sublimer ce qu’il voit. De même, une dose de machisme devrait prendre le coup qu’il mérite, mais jamais sans surprendre un spectateur qui en a vu d’autres, chez le cinéaste ou ailleurs. Il est toutefois encore permis de croire à son ultime montée en selle, comme le salut qui conviendrait à son statut.