En 2008, sortait de nulle planète identifiée le film britannique « Bons Baisers de Bruges », devenu culte auprès de nombreux cinéphiles et réalisé par Martin McDonagh, dramaturge et metteur en scène irlandais. Primé au Festival du film de Sundance, « Bons Baisers de Bruges » réunissait avec charme un casting melting pot composé des irishmen Colin Farrell et Brendan Gleeson, mais également des frenchies Clémence Poésy et Jérémie Renier, ainsi que le british Ralph « Lord Voldemort » Fiennes.
Aujourd'hui, le réalisateur, vainqueur de l'Oscar du meilleur court-métrage de fiction pour son film « Six Shooter », balance sur les écrans son second long métrage, « 7 Psychopathes », joyeux bazar primé en septembre dernier au Festival international du film de Toronto, dont il signe également le scénario.
Digne héritier de Guy Ritchie (voire du maestro Tarantino, very busy à savourer le succès de son « Django Unchained »), Martin McDonagh réalise un bordel un poil trop déjanté pour transformer complètement l'essai. Son histoire d'auteur en panne d'inspiration, victime de rencontres & d'aventures un peu dingos, est paradoxalement jouet de ses propres qualités : l'aspect foutraque et décousu.
Séduisant initialement, l'aspect chaotique devient, en effet, abusivement bizarre à la longue, tendance rebutant, comme si McDonagh avait voulu trop en faire, insufflant à son bébé une nausée d'éléments autobiographiques (prénom du héros, origine anglaise) et survitaminés.
« 7 Psychopathes » prend une tournure de mise en abîme tarabiscotée dans laquelle le spectateur se retrouve littéralement submergé entre le script que tente d'écrire Marty et la vision des images, l'ensemble offrant un aspect brouillon de faux making-of du projet. Ce désordre scénaristique n'est pas sans rappeler celui de « Kiss Kiss Bang Bang », cousin éloigné similaire et étouffé par le même défaut.
Cette perspective offre heureusement parallèlement de savoureuses scènes (l'hilarante et pétaradante séquence imaginée par le personnage de Billy du « duel final » prenant place dans un cimetière), ainsi qu'une photographie splendide, ornée d'un filtre jaune sympa comme tout à la « Traffic ».
Ultimes vilaines imperfections : « 7 Psychopathes » est pénalisé par des stories inégales des psychopathes en œuvre, par un rythme bancal, ainsi que par une fin poussive, localisée dans le désert et tirée en longueur là où le film de Martin McDonagh aurait certainement gagné à être un tantinet plus court dans la durée.
Rien à reprocher, en revanche, au casting absolument jouissif. Colin Farrell retrouve son metteur en scène de « Bons Baisers de Bruges », dans lequel il crevait déjà l'écran en tueur à gages dépressif, pour incarner cette fois avec brio un scénariste alcoolique (jouant avec la réalité des origines irish de Farrell) et bougrement humain. Il est accompagné du génial Sam Rockwell, comédien sous-employé à Hollywoood malgré quelques rôles reconnus (« La Ligne Verte », « Confessions d'un homme dangereux », « Charlie's Angels », ou plus récemment « Moon » et « Iron Man 2 »), qui interprète ici avec panache le compagnon cynique et mélancolique, plus surprenant qu'il n'y paraît. On retrouve également au générique un autre acteur américain sous-estimé, le fabuleux Woody Harrelson (qui s'est refait une santé grâce à son passage dans « Hunger Games » l'an dernier), en psychopathe fou à la recherche de son toutou. Saluons enfin deux types prestigieux, Christopher Walken d'une part, toujours radieux, et le musicien Tom Waits d'autre part. En bonus, l'improbable caméo de Michael Pitt, ayant réussi à déserter la série « Boardwalk Empire » pour camper un tueur à gages présent au cours des premières minutes de bobine.
On demeure quand même sur notre faim s'agissant des personnages féminins, mal exploités – une démarche inexplicablement volontaire – et incarnés par les sublimes Abbie Cornish (vue dans « Sucker Punch » et « Limitless ») & l'Ukrainienne Olga Kurylenko (que l'on reverra prochainement chez Terrence Malick dans son très attendu « A la merveille »).
Bilan : « 7 Psychopathes », c'est pas mal mais le spectateur peine à trouver le fil conducteur et la cohérence du genre, oscillant entre film de gangsters et comédie autobiographique. On se perd un peu dans le bordel !