C’est un jeu de manipulation. De savoir qui est plus fort que qui. C’est un jeu de pouvoir. D’arrogance, même. Et François Ozon nous fait vite entrer dans son petit jeu. C’est sans doute le point fort du film – le meilleur du cinéaste.
Un jeune étudiant remet à son profes- eur de français une copie sur son week-end. Il est allé chez son meilleur ami, Rapha, et les décrits comme des personnes sans valeur, pas à leur place. Avec une phrase (magique) à la fin de son texte : « A suivre... ». La relation entre le professeur et l’enfant est comme un metteur en scène avec son acteur. François Ozon évoque sans doute son amour pour le cinéma avec ce film. La chose mystérieuse, presque dérangeante du film, c’est qu’on ne sait pas si ce que l’enfant écrit est vrai ou pas. Le cinéaste ne distingue plus réel et irréel. Le film plaît aussi grâce à un casting cinq étoiles : Fabrice Luchini en tête, avec toujours autant d’aisance, la révélation de Ernst Umhauer, Kriten Scott Thomas au top, et Emmanuel Seigner parfaite en mère de famille perdue. Reste les seconds rôles aussi rechercher que les autres... Ozon nous embrouille, Ozon se perd, les acteurs aussi, et on adore ça. On doute. Tout le temps. On a peur. Puis tout redescend. Le film nous met une pression. On est angoissé. Et on relâche. C’est tout le temps comme ça.
François Ozon est un vrai curieux – comme tous les cinéastes au monde – mais avec "Dans la maison" il se pose sur une question et s’arrête dessus. Puis il va en rechercher une autre. Cette relation entre le professeur et l’élève est-elle une sorte de relation sado-maso ? Peut-être que oui ou que non. Et c’est là où le cinéaste fait rentrer le spectateur avec lui. Le spectateur aide le cinéaste à trouver une réponse à sa question. Dans ce film tout est question de sensibilité et de psychologie.
Et au bout, d’une heure, le film monte en tension, comme un changement de cap. L’atmosphère est envoûtante, tout est encore plus savoureux que le reste du film. Et puis le plus petit rôle de la famille des Rapha devient important, et prend de la place. Est-ce une fiction ou une réalité ? Mystère. Ozon manipule le spectateur, l’éblouit, et lui transmet ses propres émotions.
Mais qui est vraiment cet élève ? Quel est son but ? Là encore, le cinéaste bluffe par sa maîtrise de tempérament. Et si "Dans la maison" était un thriller à suspense ? Ce vieux, genre – qui n’est traité que par de mauvais blockbuster – est traité ici avec une douceur infinie. Cet élève veut montrer qu’il est fort, écrit-il pour son professeur, sans doute puisqu’il dit « Je croyais que cette chute allez-vous plaire ».
Le film est aussi une leçon de français. Les conseils que donne Germain (le professeur) à son élève est remarquable. On apprend tout le temps dans ce film. Cinématographiquement, et même en termes de littérature, donc. Ozon a sans doute voulu infliger dans ce film sans doute toute son amour, aussi, à la littérature. Le film ne manque pas de tact, ni de rythme car à tous ses points forts. L Et ce qui est aussi superbe c’est que tout le monde veut se perdre, se perd, et doit se perdre. Le spectateur joue un rôle crucial dans le film. Ozon a donc l’art de diriger ses acteurs, ses spectateurs et a l’art de l’élégance. Car tout au long du film, la mise en scène est simple mais carré. C’est ce qu’on attend du cinéma contemporain.
"Dans la maison" est un film inclassable, qui se distingue des autres grâce à son audace et son originalité. François Ozon remplit son contrat, il l’a même dépassé : il réalise un chef-d’œuvre, troublant, subtil. Tout est poétique, sensuel. Ozon est un doux rêveur qui veut emmener son spectateur dans un nouveau terrain, inconnu. Et puis il embarque tout une troupe d’acteurs. Ça passe ou ça casse. Des petits destins parmi des milliards de personnes, en font des films magnétiques et magiques. Comme celui-là. C’est la vie.
Soudain, le prof et l'élève regardent dans un immeuble, tels des voyeurs de Hitchcock et de son Fenêtre sur cour, des êtres qui s'aiment, se disputent, se tuent. Sans doute jaloux l’un de l’autre. Ozon aime le doute. Il fait douter. Dans tous ses films. Et puis, comme dans une fin d’article, l’élève n’arrive pas de trouver de fin. A-t-on besoin d’une fin dans un livre ? Une fin pour qui ? Pourquoi ? Mieux vaut laisser le lecteur imaginé la fin qu’il veut. On ne saura jamais la vérité de ce film. Ni de cet article, d’ailleurs. « A suivre... ». – Sandro Martinez, 10 ans