Pour tous ceux qui, comme moi, ont fini par renoncer à suivre François Ozon le long d'une filmographie erratique et souvent maladroite, "Dans la Maison" est une bonne nouvelle : ce film nous ramène en effet au trouble qui nous avait fait aimer son beau "Sous le Sable", avec une différence de taille, qui en frustrera certains, puisque au lieu de nous parler d'émotions, d'amour, Ozon nous parle ici de littérature, et de la manière la plus cérébrale qui soit. Tout en utilisant les références cinématographiques les plus évidentes - Hitchcock et De Palma - pour traiter un sujet qu'il reconnaît directement inspiré du "Théorème" de Pasolini, Ozon s'éloigne pourtant de ces modèles, quitte les rives du thriller anxiogène, et joue avec des codes parodiques qui désamorcent un peu les enjeux, mais enrichissent considérablement la palette du film, et séduiront tout spectateur qui n'est pas trop attaché à une fiction efficace et bien "bouclée". Les thèmes se multiplient, s'empilent, se contredisent aussi, sans qu'aucune conclusion facile puisse en être tirée : parle-t-on ici de filiation et de transmission, de perversité amoureuse, de voyeurisme, de l'hypocrisie inhérente au lien amoureux comme au lien social ? Du ridicule de l'Art quand il est détaché du monde (la galerie d'Art Moderne) par rapport à sa dangerosité quand il s'en nourrit (la littérature comme manipulation du réel, telle que pratiquée avec talent par le jeune Claude) ? Sans doute, mais Ozon n'oublie pas de nous faire rire / grincer des dents en pastichant tant de travers de notre époque : la démagogie des nouvelles théories éducationnelles, l'obsession croissante pour la Chine (des dialogues hilarants !), ou encore la mercantilisation de l'Art, encore et toujours. On pourra, suivant son humeur, célébrer ou regretter la dernière scène, conceptuellement remarquable et beaucoup plus explicative que le film qui l'a précédé, une scène qui en dit peut-être trop en recentrant (trop tard ?) le propos de "Dans la Maison", mais qui est une vraie belle idée de cinéma.